Nombreux sont ceux qui l'ont dit depuis jeudi soir: à force de dégénérer chaque année en festival de la casse, la manifestation contre la brutalité policière a perdu toute crédibilité.

Les organisateurs de cet événement croient sans doute qu'en provoquant les policiers, ils prouvent la véracité de leur thèse. C'est le contraire qui se produit. Jeudi soir, les policiers sont intervenus pour limiter le vandalisme; ils ont tout simplement fait ce que la population attend d'eux.

L'exaspération des Montréalais face à ce désordre annoncé va croissante. Il s'en trouve de plus en plus pour réclamer qu'on interdise carrément la manifestation. Cela ne réglerait rien. Certains participants se moquent de la loi de toute façon. Ils ne se dispersent pas quand les policiers déclarent la manifestation illégale; on ne voit pas pourquoi ils obéiraient à une interdiction totale.

Ce qu'il faut plutôt, c'est isoler les casseurs. Privés de la couverture que leur offrent, volontairement ou non, les centaines de manifestants pacifiques, ces voyous ne pourraient plus agir sans être immédiatement repérés et arrêtés. Il faut donc que les gens qui veulent dénoncer démocratiquement la brutalité policière se dissocient par tous les moyens des vandales.

En premier lieu, ils devraient organiser une manifestation complètement différente. L'événement devrait avoir lieu dans un lieu bien précis plutôt que prendre la forme d'une marche imprévisible dans les rues du centre-ville. En second lieu, les organisateurs devraient se doter d'un service d'ordre solide - les centrales syndicales pourraient offrir leur aide - ayant comme consigne d'écarter de l'événement toute personne cagoulée, masquée ou armée d'objets dangereux.

Comment les manifestants pacifiques pourraient-ils néanmoins attirer l'attention de la population? En faisant preuve de créativité. Par exemple, ils pourraient organiser un sit-in de plusieurs heures. S'ils étaient en mesure de garantir l'absence de violence, ils obtiendraient la participation d'un plus grand nombre de groupes. Imaginez un rassemblement immobile et silencieux de 10 000 ou 15 000 personnes, toutes habillées de blanc.

Les gens qui dénoncent la brutalité policière seront plus crédibles, et donc plus efficaces, quand ils auront clairement et définitivement pris leurs distances de ces brutes que sont les casseurs.