Le vol à destination d'une nouvelle convention collective s'est posé brusquement hier, lorsqu'une arbitre fédérale a imposé aux agents de bord d'Air Canada la dernière entente qu'ils avaient rejetée. Un dénouement qui soulève bien des questions.

C'est une amère défaite pour les syndiqués qui avaient refusé cette entente de principe (65% de ceux qui avaient voté). Mais la fiabilité du processus de négociation en prend aussi pour son rhume.

Avant que la ministre fédérale du Travail ne s'en mêle, tout se déroulait dans les normes. À moins d'un revirement de dernière minute, les 6800 agents de bord auraient débrayé après minuit le 12 octobre. Une situation contrariante pour l'employeur et les voyageurs, mais parfaitement légale. Et qui aurait mis une formidable pression en faveur d'un règlement négocié. La ministre fédérale a détourné le processus en demandant l'intervention du Conseil canadien des relations industrielles, une manoeuvre qui a décontenancé les spécialistes du travail les plus expérimentés.

Les deux prétextes évoqués par la ministre, la fragilité de l'économie canadienne et le rejet des deux ententes recommandées par le syndicat, n'ont leurré personne. Lisa Raitt rêvait d'en découdre - on a vu son empressement à brandir la menace d'une loi spéciale alors que les parties négociaient encore. La posture est agaçante, mais le vrai problème, c'est que son intervention a créé une grande incertitude dans les organisations régies par le fédéral. Jusqu'ici, les parties patronale et syndicale négociaient dans un cadre franc, où les conséquences de chaque geste étaient connues de tous. Elles doivent désormais composer avec une variable imprévisible: les élans interventionnistes de la ministre. C'est ingérable.

Air Canada s'en sort sans une égratignure puisque l'arbitre a imposé une entente à laquelle il avait déjà consenti. D'où l'amertume du syndicat, qui affirme que «le gouvernement est du côté des employeurs et est prêt à agir dans leur intérêt». Mais l'entente imposée par l'arbitre ne sort pas de nulle part. Le SCFP l'avait lui-même endossée. Ça ne lui donnait pas beaucoup de crédibilité pour défendre ses demandes supplémentaires.

Les agents de bord qui ont rejeté les deux ententes recommandées par leur syndicat doivent aussi s'interroger sur leur stratégie. Si l'idée était de donner des munitions à leurs représentants, c'est raté. S'ils cherchaient à les faire remplacer, le moment et la manière étaient fort mal choisis. Ce sont les mêmes, affaiblis, qui les ont représentés jusqu'au bout.

Le vrai test viendra quand une entreprise évoquera la possibilité d'un lock-out. Ottawa s'en mêlera-t-il au nom de l'économie? Faudra-t-il y voir l'indice d'une politique générale? La seule certitude désormais, c'est que la ministre peut se ramener n'importe quand. Rien pour favoriser la négociation. Car enfin, comment savoir sur quel pied danser quand la musique risque d'arrêter à tout moment?

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