La ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, s'est félicitée lundi dernier d'une diminution importante du décrochage scolaire au Québec. Depuis sept ans, a-t-elle dit, le taux annuel ne cesse de diminuer pour atteindre aujourd'hui un plancher historique, à 17,4 %.

Pour qui se rappelle les taux de décrochage du début des années 2000, qui frôlaient les 25 %, la baisse semble trop forte pour être vraie. L'est-elle?

Poser la question, c'est se plonger dans un fatras de chiffres qui rend perplexe jusqu'aux observateurs les plus avertis. Les données de Statistique Canada ne sont pas utilisées au Québec. Le site du ministère de l'Éducation rend les comparaisons annuelles impossibles. Le rapport annuel sur les « indicateurs de l'éducation » traite du décrochage d'une tout autre manière. Et la méthode de calcul du taux de décrochage a été modifiée une première fois en 2006, puis une seconde fois l'an dernier...

On peut bien expliquer ces obstacles et justifier ce révisionnisme statistique avec de bons arguments, il n'en reste pas moins que ce fouillis statistique rend difficile toute évaluation objective et sérieuse des progrès accomplis. Et par le fait même, du défi à surmonter.

Il n'y a qu'à mener une recherche sur le site web du ministère de l'Éducation ou de l'Institut de la statistique pour s'en convaincre. Tapez le mot « décrochage » dans le premier et vous obtiendrez une analyse détaillée datant de 2000! Faites le même exercice dans le deuxième... et vous n'obtiendrez rien du tout!

L'Institut a en effet éliminé de son site toutes les données historiques sur le décrochage en raison des changements méthodologiques qui ont entaché leur fiabilité. Elle affirme ne jamais avoir reçu de statistiques officielles révisées depuis.

Pour toute information, il existe sur le site web du Ministère un unique tableau laconique dans lequel on a mis à jour les données passées pour refléter les changements méthodologiques. On y apprend que depuis près de dix ans, le taux de décrochage diminue inexorablement au Québec : il est passé de 22,3 % en 2001-02 à 17,4 % en 2009-10. La baisse s'observe chez les filles (de 16,5 % à 13,6 %), mais particulièrement chez les garçons (de 28,5 % à 21,5 %), là où on a investi le plus d'effort.

C'est une excellente nouvelle... si l'on fait abstraction du malaise que suscite cette curieuse façon de traiter les statistiques. Une façon de faire, d'ailleurs, qui trouve écho en France où, depuis lundi également, un débat fait rage autour du traitement des données... scolaires!

On déplore, là-bas, que les méthodes de calcul soient souvent modifiées, que les statistiques détaillées manquent à l'appel et que les différences de vues entre les statisticiens de l'État et le ministère de l'Éducation rendent l'interprétation des données difficile...

Le pire, c'est qu'il est acquis que le décrochage diminue bel et bien au Québec. Mais le manque de transparence des données nuit à l'appréciation de son ampleur.

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