Un simple test sanguin suffira bientôt à identifier le sexe d'un enfant, dès le début de la grossesse, a-t-on appris jeudi. C'est une équipe de scientifiques sud-coréens, dont l'étude est publiée dans la revue Federation of American Societies for Experimental Biology, qui a réussi à déterminer dans les toutes premières semaines de la conception si le foetus sera un garçon ou une fille.

Pour les parents impatients de savoir le sexe de leur bébé, c'est sans doute une bonne nouvelle. Actuellement, il faut généralement attendre au moins 12 semaines avant d'être fixé, quand l'échographie parvient à montrer les organes génitaux.

Mais, à part assouvir la curiosité des parents - fort compréhensible -, pourquoi serait-il si urgent de connaître le sexe du bébé? On ne peut arrêter le progrès, c'est vrai, mais encore faut-il que le progrès procure plus d'avantages que d'inconvénients. Et inconvénient il y a, dans ce cas-ci.

Car cette avancée médicale soulève une question éthique.

Au Québec, le recours à l'avortement est fréquent et facile à obtenir. En 2010, l'Institut de la statistique du Québec en a recensé 26 124, contre 88 300 naissances. Exprimé autrement, cela signifie que pour 100 foetus conçus, il y a eu 23 interruptions de grossesse. Le nombre d'avortements est en régression depuis quelques années, après avoir atteint un sommet de 29 140 en 2002, mais il reste élevé. Les motifs invoqués pour mettre fin à une grossesse ne sont pas que d'ordre médical: situation économique précaire, instabilité du couple, volonté de poursuivre une carrière, désir de ne pas avoir un (autre) enfant...

Toutefois, présentement, lorsqu'une femme enceinte peut se faire confirmer le sexe de l'enfant au Québec, au quatrième mois de gestation, il se fait tard pour se faire avorter. Au Québec, les interruptions de grossesse sont habituellement pratiquées jusqu'à la 14e semaine.

Admettons qu'un couple rêve d'avoir un garçon. Dès que la femme devient enceinte, elle se fait prélever un échantillon de sang pour connaître rapidement le sexe du foetus. Résultat: féminin. Si le couple n'est pas réfractaire à l'avortement - et il y en a visiblement beaucoup au Québec si on se fie aux statistiques -, sera-t-il tenté de faire interrompre la grossesse afin de recommencer dans l'espoir d'avoir un garçon? On pourrait le penser.

La sélection du sexe du bébé est déjà en cours dans d'autres parties du globe. On connaît bien la politique de l'enfant unique en vigueur en Chine, qui pousse les familles à privilégier la naissance d'un fils, d'où la surreprésentation de garçons par rapport aux filles.

Bien sûr, il ne s'agit pas de remettre en question le droit du libre choix à l'avortement accordé aux Québécoises. Mais on peut se demander si la possibilité de connaître le sexe du bébé aussi tôt ne serait pas un incitatif supplémentaire, et superflu, à renoncer à mener une grossesse à terme.

jbeaupre@lapresse.ca