Il y a d'abord eu manifestation. Puis on a planté des tentes. Puis on a bâti en dur - structures rigides et matériaux isolants - en prévision de l'hiver. Quelle était l'étape suivante? Faire venir des pépines au square Victoria pour creuser des sous-sols sous les cabanes et les yourtes?

C'est une boutade, bien entendu.

Mais il est exact qu'on était en train de créer ici une situation totalement inusitée. C'est-à-dire: une indignation logée de façon permanente dans un lieu public où il est interdit de dormir, encore moins de construire, mais tout de même accréditée par l'hôtel de ville!

Il est vrai qu'il s'agit d'un hôtel de ville pas comme les autres, celui de la métropole mondiale de l'harmonie, d'expliquer le maire Gérald Tremblay.

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Or, quelqu'un , quelque part, a retrouvé son bon sens.

Hier après-midi, l'administration municipale a demandé aux indignés de démonter leurs installations «lourdes», c'est-à-dire les structures plus proches de vraies maisons que de tentes en toile. L'échéancier n'a pas été précisé. C'est habile: coucher sous une simple tente au mois de janvier est pratiquement impossible.

Cela étant, il existe deux angles possibles sous lesquels voir les choses.

D'abord, celui des citoyens ordinaires - on n'ose pas dire: les 99 %... Il est douteux que ceux-là, initialement sympathiques au message des indignés, auraient pu conserver cette attitude en constatant que le seul résultat à long terme de la «tentifada» était la création d'un bidonville en plein centre-ville!

Ensuite, il y a le point de vue des indignés.

Les gens qui répètent constamment «Je vous l'avais bien dit» sont insupportables. Néanmoins, il y a douze jours, nous vous l'avions bien dit: en étirant trop l'élastique, les occupants du square Victoria étaient en train de saboter leur propre cause.

Ils vont finir par devenir les supports d'une «marque», disions-nous? C'est fait: une demande en ce sens a été enregistrée au Bureau des brevets et marques déposées de New York (USPTO). L'essentiel, le message, va finir par s'effacer au profit de l'accessoire, disions-nous encore? C'est fait aussi: on ne parle plus que de la mécanique de l'occupation et des démêlés avec les autorités...

La liberté d'expression n'implique pas le droit au camping urbain et, s'il le faut, serait bien servie par des manifestations quotidiennes que personne ne songe à interdire. Les indignés du square Victoria peuvent en prendre acte et renoncer à l'occupation pour revenir à l'essentiel : la diffusion par d'autres méthodes de leur message. Et, d'un côté comme de l'autre, il faut évidemment résister à la tentation de la violence.

Tous, nous vivons dans la métropole mondiale de l'harmonie, ne l'oublions pas.