Pour le Dr Harriet Hall, il s'agit du sommet de l'inefficacité: administrer une substance homéopathique par le canal d'un «acupoint» (les points du corps ciblés par l'acupuncture). «Ça revient à injecter un non-médicament à un endroit pris au hasard!» dit-elle avec amusement.

Américaine, médecin de famille à la retraite et surnommée «Docteur Sceptique», elle a peu d'amis chez les praticiens des médecines alternatives... Cette semaine, le Dr Hall se trouvait par contre en terrain sûr. Car elle participait, en compagnie d'autres scientifiques de haut niveau, au Symposium public de science Lorne Trottier*, consacré cette année à l'examen de ces médecines fort populaires: au Canada, quelque 5,6 milliards de dollars vont chaque année à l'une ou l'autre des dizaines de spécialités médicales parallèles.

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Il s'agissait donc de la 7e édition de cet événement qui loge sur le campus de l'Université McGill.

On ne peut pas surestimer la nécessité qu'il y a à sensibiliser la population à la démarche scientifique - ce à quoi cet événement, dont il existe peu d'équivalents au Québec, s'applique. En tous domaines susceptibles d'influer sur les comportements humains, en effet, les pseudo-sciences ou la superstition pure et simple ont encore souvent le dessus sur la connaissance fondée sur la preuve. Sur ce thème, le symposium ne pouvait d'ailleurs pas tomber à un moment plus propice, après la mort récente de Steve Jobs, qui avait placé sa confiance dans la médecine alternative.

C'est en tous cas dans un amphithéâtre plein à craquer qu'a parlé, mardi, le professeur Edzard Ernst. Le médecin et chercheur britannique, un ancien praticien de l'homéopathie ayant «apostasié», est devenu une sorte de vedette internationale après s'être frotté au... prince Charles, un grand amateur de médecines parallèles!

Comme ses collègues, le Dr Ernst se refuse à dire que toute pratique alternative est automatiquement inefficace. Ainsi, l'acupuncture semble fonctionner dans certains cas de douleurs au cou et de nausée post-opératoire. Plusieurs herbes médicinales ont des effets avérés. Mais d'autres spécialités font crouler de rire les scientifiques!

Au total, les preuves sont bien rares...

Edzard Ernbst prévient les médecins, les vrais: il n'est pas éthique de prescrire la fréquentation de médecines parallèles, même si le patient le réclame et que l'effet placebo existe bel et bien. «Pour que l'effet placebo agisse, le médecin doit mentir. C'est un catch 22...» conclut-il.

Et il n'y a pas de remède ésotérique à ça.

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*L'ingénieur et entrepreneur Lorne Trottier est un mécène important de l'Université McGill. Cette année, il a fait un don de 5,5 millions$ destiné à différents programmes scientifiques, dont le Symposium qui porte son nom.