En ce jour du Souvenir et alors que les militaires canadiens quittent l'Afghanistan, il est difficile de trouver une consolation à l'idée que la guerre est un phénomène en déclin. À l'idée que, à l'échelle historique, le nombre de conflits, leur ampleur et le nombre de leurs victimes diminuent de façon presque spectaculaire.

C'est pourtant le cas.

Il est très improbable, sans être impossible, que la planète connaisse un jour des méga-conflits comme ceux du XXe siècle. C'est-à-dire des guerres États contre États, impliquant la quasi-totalité des grandes puissances et dont la victoire est obtenue en grande partie par attrition. En clair: par la mort, chez l'ennemi, du plus grand nombre possible de soldats et de civils.

De fait, depuis 1945, nous vivons la «Longue Paix». L'expression vient de Steven Pinker, un Montréalais enseignant à Harvard, qui l'emploie dans une monumentale histoire de la violence qui est à notre avis le livre de l'année: The Better Angels of Our Nature (non traduit en français). Au cours des 65 dernières années, en effet, les conflits de toutes sortes ont fait moins de 10 millions de morts.

Ça semble beaucoup? Considérons ceci.

En six ans, la Deuxième guerre mondiale a fait 65 millions de morts, les deux tiers chez les civils. C'est ce dernier point que l'on remarque surtout par rapport à la Première guerre mondiale, alors que les 20 millions de victimes furent, à parts égales, des militaires et des civils.

Une fois plongés dans l'horreur, considérons en outre ce chiffre inouï: en ce même XXe siècle, entre 82 et 169 millions d'êtres humains, selon divers auteurs, ont été tués par leur propre gouvernement!

Depuis, beaucoup a changé.

En général, les conflits contemporains épargnent même les soldats. Si les deux conflits mondiaux ont tué 65 000 et 45 000 militaires canadiens respectivement, 516 sont morts en Corée dans les années 50. Et 160 en Afghanistan depuis 2002. Bien entendu, ça ne console en aucune façon les familles de ces militaires disparus.

En fait, les populations occidentales ne supportent plus l'effet meurtrier de la guerre (les body bags...), ce qui est un phénomène inédit dans l'Histoire. Est apparu graduellement au cours du XXe siècle «un sentiment universel à l'effet que déclarer la guerre ne pouvait plus se justifier», relate encore Pinker. Il cite l'anthropologue Henry Maine: «La guerre semble aussi vieille que l'humanité, mais la paix est une invention moderne»...

Ici encore, il faut bien constater que les avancées de la civilisation ainsi que le progrès, en particulier lorsqu'il touche la morale, sont pour le genre humain les seules garanties de survie.