Ni souverainiste ni fédéraliste, ni de gauche ni de droite, François Legault veut diriger un parti, la CAQ, sans étiquettes. Un parti dégriffé, en quelque sorte! Mais est-ce possible? Pas de problème en ce qui concerne le premier point: le Québec presque entier, pu capab' d'en entendre parler, en est lui aussi au «ni ni» ...

Sur le second point, c'est autre chose.

La vieille dichotomie gauche-droite demeure bien vivante précisément à cause de son usage immémorial.

Sinon, où caser une personne qui souhaite des finances publiques saines et une fiscalité non confiscatoire, mais aussi un filet social rationnel et un État fort dans ses fonctions régaliennes? Une personne favorable à l'accès à l'avortement, mais sensible à la notion de responsabilité individuelle? Une personne opposée à la peine de mort ou à une justice intransigeante, mais désireuse de vivre dans une société policée? Cette personne est-elle de gauche ou de droite?...

Le méli-mélo est pire encore du côté de l'identité idéologique.

Autrefois, la gauche était progressiste? Elle est aujourd'hui étatiste et plutôt hostile au progrès. La droite était morale et martiale? Aujourd'hui, elle s'associe plutôt à l'efficacité et à la diversité. Autrefois, la gauche était la protectrice des droits et libertés? C'est un rôle que la droite assume désormais, l'autre camp ayant sombré dans la compromission et le relativisme culturel - en particulier face au terrifiant retour de l'obscurantisme religieux.

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Un autre facteur explique la persistance de la dichotomie gauche-droite. C'est que la gauche n'a aucun intérêt à renoncer à une «marque» gagnante (lire à ce sujet le Blogue de l'édito).

Infiniment plus compétente que la droite dans le monde de la construction intellectuelle, elle a elle-même cadastré le terrain occupé par une vie politique dont «la finalité n'est pas de résoudre les problèmes, mais de se concerter, de réfléchir. [...] On parle pour parler. Juste pour parler. Mieux encore, pour s'écouter parler! Parce que l'action ne suit pas», écrit Joanne Marcotte dans Pour en finir avec le gouvernemaman - qui est, sauf erreur, le seul essai marqué à droite à être publié cet automne au Québec.

La gauche a en outre imposé ici un point d'équilibre politique se situant du «bon» côté du centre et dont aucun gouvernement ne peut s'écarter de façon appréciable. Ainsi, Jean Charest, associé ici à une droite centriste, serait vu aux États-Unis comme un dangereux socialiste!

Sachant cela, où loge aujourd'hui François Legault?

Peu importe. Cependant, à moins de posséder une force de caractère peu commune ainsi qu'un plan de match anti-émeutes, il sera vraisemblablement condamné à gouverner, le cas échéant, à partir du même lieu que ses prédécesseurs.