Personne ne leur avait promis un jardin de roses. Pourtant, au début, lorsqu'ils ont planté leurs tentes, les indignés ont sans doute cru que la noblesse de leur geste aurait éternellement raison des problèmes plus ou moins sordides qui font le quotidien de la rue.

Car c'est un univers très dur, la rue, la nuit.

Aux États-Unis, des crimes graves ont été commis dans les camps des indignés. À Vancouver et Toronto, on a dû soigner des surdoses de drogue et il y a eu un décès. À Montréal et Québec, l'afflux d'itinérants ivres, ou drogués, ou malades, ou tout ça à la fois, a fini par devenir un danger. On avait oublié que, la nuit, c'est à eux que la rue appartient et on n'y discute guère des mérites comparés de Karl Marx et d'Adam Smith.

Ce n'est pas le « système » qui aura eu raison des indignés, c'est la rue. Et c'est aussi l'entropie, la tendance de toute chose à évoluer vers le désordre.

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Hier, tant à Montréal qu'à Québec, Ottawa, Toronto et Vancouver, le mouvement s'est effiloché sans panache et sans gloire. Au square Victoria, les leaders initiaux du mouvement (il y en avait donc?) ont sonné la retraite, totale ou partielle, ce n'est pas clair. C'est la bonne décision. Le party est fini.

À supposer qu'il l'ait déjà été, le square n'était plus un lieu de débats. C'était une arène où on luttait contre les intempéries, la saleté, l'ennui, l'hôtel de ville et les indésirables... sans parler d'un problème de contenu qui allait en s'aggravant. Car une fois épuisés les lieux communs, que restait-il encore à dire du côté du spectre politique occupé par les occupants?

En Espagne, berceau de ces indignados qui ont déclenché le mouvement il y a des mois, les fameux 99% chers aux indignés ont voté massivement pour la droite, dimanche, dégoûtés d'une gauche inepte.

Et si les Québécois éprouvent toujours de la sympathie pour les occupants (à hauteur de 53%, Senergis/Le Devoir, samedi), ils n'en demeurent pas moins perspicaces. Ils s'indignent presque autant de la voracité du fisc que des excès de la haute finance. Autant des dettes des gouvernements que des inégalités sociales. Et plus de 50% souhaitent surtout que l'État freine ses dépenses...

Bilan des courses?

On aura beau dresser des tentes dans tous les parcs et squares du Québec, jamais le citoyen moyen n'en viendra à cultiver cette vision manichéenne des choses qui, de tout temps, a été le propre du militant.