Au magazine Time, on a de la suite dans les idées. L'an dernier, l'hebdomadaire américain avait décrété que la personnalité de l'année ne pouvait être que Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook. En 2011, le personnage choisi est (presque) une créature des réseaux sociaux.

Il s'agit du Protestataire avec un grand P. Autant le risque-tout du Printemps arabe que l'indigné espagnol ou grec; autant celui qui a occupé Wall Street que celui portant pancarte devant le Kremlin.

Les «occupants» du square Victoria comptent donc parmi les héros de l'année écoulée!

À l'origine, souligne le Time, un humble vendeur de fruits tunisien s'est immolé par le feu, ignorant certainement qu'il allait ainsi déclencher un mouvement mondial. Cette étincelle s'est transformée en brasier. Et celui-ci a fait descendre dans la rue - ou à tout le moins touché - quelque 3 milliards de personnes, de l'Asie à l'Amérique, du Maghreb à la Russie.

Parmi les 34 aspirants au titre retenus par le magazine, figurait en outre Kate Middleton, la nouvelle princesse de Buckingham Palace. Mais aussi et surtout les fameux 99% immortalisés par les indignés; la communauté virtuelle de hackers connue sous le nom d'Anonymous; le célèbre dissident et artiste chinois, Al Weiwei.

Clairement, l'année aura donc été celle de la contestation.

À la lumière de toute cette agitation, le choix du Time apparaît éclairé. Tout comme il l'avait été l'an dernier, malgré les hauts cris des fans de Julian Assange, fondateur de WikiLeaks - aujourd'hui, Assange est disparu et les réseaux sociaux font l'Histoire...

Peut-être même la révolution.

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La révolution?

Il est certainement trop tôt pour le dire. «La signification véritable des événements n'apparaît que plus tard», dit prudemment Rick Stengel, éditeur du Time.

Le Printemps arabe, par exemple. Sur quoi débouchera-t-il à long terme en Tunisie, au Maroc et surtout en Égypte? Sur des démocraties à peu près fonctionnelles? Ou sur des théocraties, peut-être mises en place par le suffrage universel, mais des théocraties tout de même, dont on connaît le potentiel de déraison et de tyrannie.

Et les indignés ou occupants d'Athènes et de New York, de Madrid ou de Montréal? L'Histoire (encore elle!) rangera-t-elle les... «tent-in» des protestataires dans la même armoire aux souvenirs fanés que les «bed-in» de John Lennon? Ou verra-t-on vraiment apparaître quelque chose de neuf dans l'architecture économique et sociale de nos sociétés?

Difficile à dire.

Chose sûre, il serait dommage que la personnalité de l'année 2012 que le Time choisira dans 12 mois soit un nouvel ayatollah plénipotentiaire du Proche-Orient. Ou un nouveau tricheur, agissant ou non dans les limites de la loi, issu du milieu de la haute finance.