Le dernier convoi de militaires américains en mission en Irak a quitté le pays et est entré au Koweït, tôt hier matin. Ils laissent derrière eux moins de 400 de leurs compagnons d'armes, surtout chargés de protéger l'ambassade des États-Unis à Bagdad.

Cet ultime périple s'est fait dans le silence, sans avoir été annoncé, entouré d'une haute sécurité. On craignait en effet une dernière attaque par l'un ou l'autre de la douzaine de groupes d'insurgés et de miliciens qui demeurent actifs en Irak.

Cela en dit long sur ce que les Américains laissent derrière eux, après avoir englouti dans cette opération 800 milliards US et avoir sacrifié la vie de 4500 de leurs militaires ainsi que celle de plus ou moins 110 000 civils irakiens.

***

Au bout de tout cela, en effet, l'Irak n'est aujourd'hui ni en guerre ni en paix.

Le premier ministre Nouri al-Maliki est imprévisible, proche des Iraniens, peut-être en train de devenir un «dictateur pire que Saddam Hussein», comme l'a dit de lui son vice-premier ministre - répudié, hier! Sous cette administration, les services publics sont fragiles et la confiance à l'endroit des forces de sécurité (900 000 personnes) est faible. L'extraction de pétrole (près de 3 millions de barils par jour) est encore très insuffisante pour nourrir l'État. Enfin, personne ne peut jurer que le pays ne sombrera pas dans une guerre sectaire encore plus sanglante que celle de 2006-2007.

Pour les Américains, la facture est salée, comme on l'a vu. Et pas seulement en termes de vies perdues ou de trésor public dilapidé. La crédibilité de Washington en a pris un coup, en particulier au sein des populations qui auraient le plus besoin de l'assistance et de l'expertise américaines. Quant au pétrole, l'Irak «nouveau» a accordé à ce jour 12 permis d'exploitation... dont un seul est allé à une firme américaine, Exxon Mobil!

Bref, la question demeure: tout cela valait-il le coup, tant pour les Irakiens que pour les Américains? Pour ces derniers, certainement pas - et de très loin. Quant aux Irakiens, la chose se discute.

Certes, ils ont échappé à un dictateur dont le mode usuel de résolution des conflits était la guerre à l'étranger et le massacre à l'intérieur. Néanmoins, ceux qui étaient opposés à l'opération américaine avant même qu'elle débute auront tendance à considérer d'abord l'épouvantable gâchis qui sert et servira de décor à l'existence de deux ou trois générations d'Irakiens. Lesquels sont probablement tous touchés par la mort d'un ou plusieurs proches; tous plongés dans l'insécurité et la pénurie.

Pour eux, ce n'était pas rose sous Saddam. Après presque neuf ans d'enfer, ça ne l'est pas beaucoup plus aujourd'hui.