Au lendemain de l'émeute qui a secoué Montréal-Nord, ils étaient nombreux qui avaient leur opinion bien arrêtée sur les causes, et surtout sur les responsables, de ce regrettable événement. Il nous semble plus prudent d'attendre d'en savoir plus, plus sage de se poser des questions que de sauter aux conclusions.

Que s'est-il passé exactement lorsque les policiers ont interpellé Dany Villanueva samedi soir? Pourquoi les agents voulaient-ils lui parler alors que, apparemment, il ne faisait que jouer aux dés avec des amis? Villanueva, il faut le dire, n'est pas un ange. Il a déjà été condamné pour vol qualifié et est en attente de procès pour un autre vol qualifié. Mais ce n'est pas une raison pour l'arrêter ou le harceler.

Les témoins de la scène disent que Villanueva a refusé de coopérer avec les policiers, qu'une échauffourée a éclaté entre les deux groupes. C'est alors qu'un policier a tiré sur le frère de Dany, Fredy. Pourquoi l'agent a-t-il agi ainsi? N'avait-il pas d'armes moins nocives à sa disposition? C'est la Sûreté du Québec qui enquête sur cet incident; il faut lui donner le temps de faire son travail correctement. Toutefois, le maire de Montréal, Gérald Tremblay, a raison d'insister pour que les résultats de cette enquête soient rendus publics, de sorte que la population de Montréal-Nord puisse savoir ce qui s'est vraiment passé. La transparence devra être à la hauteur de la méfiance des gens du coin.

************************

Venons-en à l'émeute de dimanche soir. Les travailleurs communautaires et les citoyens interrogés par les médias ont déploré l'attitude agressive des policiers dans leurs rapports quotidiens avec les jeunes du quartier de même que la pratique, apparemment répandue, du profilage racial. Ces propos ont été exprimés par trop de personnes pour être dénués de tout fondement.

En même temps, il semble que le Service de police de la Ville de Montréal ait fait beaucoup d'efforts pour se rapprocher des citoyens et du milieu communautaire de Montréal-Nord. Y aurait-il un hiatus entre ce que prônent les officiers et ce que font les agents sur le terrain?

Des commentateurs ont dénoncé l'incapacité du SPVM à prévenir, puis à étouffer rapidement la casse. A-t-on raison de lui faire ce reproche? Peut-être. Il faut toutefois admettre que le pire ne s'est pas produit: il n'y a eu ni décès ni blessure parmi la population du quartier. Les seuls blessés furent un policier, un ambulancier et un photographe de La Presse, tous agressés par des voyous. Si les policiers étaient intervenus avant l'arrivée de l'escouade antiémeute, les choses n'auraient-elles pas pu tourner au tragique?

************************

En ces heures sombres, il y a quand même une bonne nouvelle: Montréal-Nord s'est vite ressaisi. À l'heure de mettre sous presse, le calme régnait. Les policiers, les politiciens et les travailleurs communautaires ont multiplié les rencontres hier pour éviter que la scénario de la nuit précédente ne se reproduise.

Le directeur du SPVM, Yvan Delorme, s'est dit disposé à revoir les pratiques policières. Les intervenants du milieu ne demandent pas mieux que de collaborer à cette initiative. Le maire de l'arrondissement, Marcel Parent, et les députés Denis Coderre et Line Beauchamp, ont tous trois rappelé que Montréal-Nord ne se résume pas à ses secteurs chauds, que de façon générale il fait bon y vivre.

Au milieu de la pauvreté et des tensions de toutes sortes, cette fierté, cette volonté de faire face aux problèmes et cette bonne foi sont autant de lueurs d'espoir.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion