Comment combler le manque de personnel sans achever les travailleurs de la santé ? C’est le défi auquel fait face le ministre Christian Dubé. Et il a peu de temps pour le relever.

On nous l’a bien expliqué cette semaine, on est au pied du mur. On évalue à environ 20 000 le nombre de travailleurs de la santé infectés par la COVID-19, en isolement ou en attente de résultat d’un test de dépistage. Ajoutons à cela tous ceux et celles qui sont absents pour d’autres raisons médicales, et on en arrive au chiffre impressionnant de 50 000 absents, selon le ministre Dubé.

Les cas de COVID-19, eux, sont en hausse. Le nombre d’hospitalisations aussi. Résultat : nous passons au niveau 4 du délestage, c’est-à-dire qu’une personne victime d’un AVC sera peut-être redirigée vers une salle d’urgences plus loin de chez elle, qu’un diagnostic de cancer sera repoussé ou qu’une femme enceinte n’accouchera pas dans l’hôpital qui l’a suivie durant sa grossesse. On imagine sans peine l’anxiété que cela peut provoquer et les scénarios catastrophe qui pourraient en découler.

La sous-ministre adjointe à la santé, Lucy Opatrny, a expliqué jeudi qu’à court terme, il faut libérer 1000 lits. Et que toutes les mesures de délestage évoquées ne seront même pas suffisantes pour y arriver.

Sur le plancher, l’expression « au bout du rouleau » n’est plus assez forte pour décrire l’état d’esprit des travailleurs de la santé. Oui, le système est tout croche et il faudra un bilan sérieux quand cette crise sera passée, mais pour l’instant, ce n’est pas le moment de s’enfarger dans les fleurs du tapis (surtout qu’il n’y aura probablement personne pour nous soigner si on se blesse…).

Le ministre Dubé et les syndicats sont en « conversation » ces jours-ci. Tant mieux. Car il existe encore des solutions applicables rapidement et qui, sans tout régler, donneront un peu d’oxygène au système.

Premièrement, annuler les vacances du personnel de la santé n’est pas une bonne idée. Psychologiquement, c’est la goutte qui ferait déborder le vase. Les gens ont besoin de recharger leurs batteries, de voir un répit à l’horizon. Leur retirer les vacances risque de les conduire directement vers la sortie et on ne sera pas plus avancé. Par contre, les employés à temps partiel pourraient tous faire un quart de travail de plus (certains le font déjà). Et, en échange, le gouvernement pourrait acquiescer à la demande des syndicats qui réclament plus d’autonomie locale pour gérer les horaires de travail dans les établissements. Cela se fait à certains endroits et semble donner de bons résultats. Continuons.

Ensuite, le recours au privé semble inévitable. Hélène Gravel, présidente de l’Association des entreprises privées de personnel soignant du Québec, qui représente 16 000 travailleuses, propose de donner un coup de main à la vaccination afin que les infirmières et le personnel de la santé qui vaccinent se concentrent plutôt sur les soins aux patients. Mme Gravel cite l’exemple de l’Angleterre, qui a ouvert des cliniques de vaccination 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Résultat : plus de 70 % des 50 ans et plus ont déjà reçu leur troisième dose. Au Québec, c’est autour de 20 %. Or, plus on vaccine rapidement, moins les gens risquent de se retrouver à l’hôpital. Refuser la participation du privé est un luxe qu’on ne peut pas se permettre.

On pourrait également penser à mousser la campagne « Je contribue » pour recruter d’autres préposés. Une campagne de recrutement visant le personnel administratif permettrait de soulager les travailleurs de la santé, qui perdent un temps précieux à remplir de la paperasse.

Parlons du matériel de protection individuel maintenant. Il est temps de mettre de côté les débats entre scientifiques autour de l’efficacité du masque N95 s’il est mal ajusté, moyennement bien ajusté, ou très bien ajusté. Même chose pour les analyses interminables pour savoir quel employé devrait avoir droit à ce fameux masque. La bureaucratie n’a plus sa place dans ce dossier. Les travailleurs de la santé se sentent plus en sécurité avec le N95 ? Donnez-leur. Le ministre Dubé a assuré cette semaine qu’il y en avait suffisamment. Parfait. Qu’on les distribue à tous ceux et celles qui sont en contact avec le public.

Autre mesure qui pourrait faire économiser du temps et de l’énergie : offrir les tests de dépistage PCR en milieu de travail. Pour l’instant, seuls quelques établissements le proposent à leur personnel. Il faudrait que ce service soit disponible pour tous. Si on veut prendre soin de nos « anges gardiens », commençons donc par leur faciliter la vie. Il faut faire en sorte qu’ils exercent leur travail non pas dans les meilleures conditions possible – ce serait se raconter des histoires que de prétendre cela à l’heure actuelle –, mais dans les moins mauvaises conditions dans les circonstances. On est rendus là.

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