La pression était forte sur CDPQ Infra pour qu’elle rende publiques les premières esquisses du projet du REM de l’Est. C’est chose faite depuis mardi. Comme tous les plans d’architectes, les images sont idylliques : un REM élancé, presque translucide, qui roulerait sur des pylônes qui « dansent » (c’est le terme employé par le promoteur), entourés de verdure, de vélos et de passants. On entend presque les oiseaux chanter.

Derrière les changements proposés, reconnaissons qu’il y a eu beaucoup de travail. De la part de CDPQ Infra d’abord, qui a consulté puis bonifié le projet. De la part du comité d’experts également, qui a réussi à faire des propositions très enrichissantes malgré son mandat limité qui était de se pencher exclusivement sur l’aspect architectural ainsi que sur l’aménagement du projet, et ce, sans budget pour commander des expertises supplémentaires. Son apport a permis d’améliorer significativement le projet initial qui est fort différent de celui du REM de l’Ouest.

Le REM de l’Est est amélioré, donc, mais il comporte encore plusieurs failles. La plus grande demeure son passage sur une structure surélevée prévue sur le boulevard René-Lévesque, en plein centre-ville.

La Caisse répète ce qu’elle disait déjà en septembre dernier, qu’il est absolument impossible de creuser en souterrain à cet endroit : trop complexe, trop risqué, trop coûteux. Oubliez ça ! C’est dans ce contexte que le comité d’experts a donc proposé une promenade urbaine sur René-Lévesque et que les architectes, eux, ont imaginé un belvédère « verdoyant » qui surplomberait l’ouverture dans laquelle s’engouffrerait le train, à l’angle de René-Lévesque et Jeanne-Mance.

Disons-le, les équipes d’architectes de la firme Lemay ont fait un beau travail dans les circonstances et les délais qu’on leur a alloués. Ils ont fouillé, réfléchi et pensé « en dehors de la boîte ». Mais ils ont fait ce qu’ils ont pu avec ce qu’on leur a soumis.

Ce belvédère, c’est la démonstration par l’absurde qu’un trou béant n’a pas sa place au centre-ville. On a beau avoir imaginé de la verdure et des marcheurs qui y promènent leur chien, pourquoi y aurait-il un espace surélevé à cet endroit ? Pour admirer quoi ? Les immeubles de bureaux ? Les nids-de-poule en contrebas ?

ILLUSTRATION FOURNIE PAR CDPQ INFRA

Vue sur la structure du REM de l’Est, au dessus du boulevard René-Lévesque, au centre-ville

On ne peut pas tolérer cette fracture en plein centre-ville, une fracture qui va à l’encontre des gestes posés à Montréal depuis quelques années et qui visaient à nous débarrasser des structures des années 1960 en abaissant, entre autres, les échangeurs des Pins et Turcot.

On réfléchit également à réparer la cicatrice causée par la Métropolitaine. Et on viendrait ériger des pylônes de béton en plein centre-ville ? Ça n’a tout simplement pas de bon sens !

Il y a d’autres irritants dans le rapport d’étape présenté par CDPQ Infra, dont les murs antibruit qu’on appelle « voiles » et qui seront 2 mètres de haut sur toute la longueur du trajet, mais de 4 mètres à certains endroits. On les espère translucides, mais voilà une autre surface qui risque de titiller les graffiteurs qui s’en donneront à cœur joie et transformeront tout ce blanc étincelant en surface à nettoyer encore et encore.

Dernier irritant majeur : l’absence de connexion avec la station Honoré-Beaugrand, le terminus de la ligne verte. C’était le prix à payer pour répondre aux critiques des résidents et faire passer le REM sur Souligny plutôt que Sherbrooke Est, a expliqué le promoteur.

Mais il existe une autre solution qui permettrait de connecter le REM de l’Est à la ligne verte du métro tout en épargnant le centre-ville : arrêter le REM en provenance de Pointe-aux-Trembles à la station Radisson qui est déjà le point d’arrivée de 10 lignes d’autobus, et qui deviendrait ainsi une gare intermodale névralgique pour l’Est de la ville.

Cette solution aurait un impact sur le modèle d’affaires de la Caisse, c’est vrai. Mais elle éviterait de poser un geste regrettable au centre-ville.

À la fin, c’est au gouvernement Legault de trancher. C’est lui qui a choisi le REM de l’Est au départ. C’est lui qui a fait miroiter un développement économique pour l’Est de Montréal. Il doit d’abord modifier le modèle de gouvernance de ce projet afin que la Ville de Montréal – et sa mairesse – soit assise une fois pour toutes à la table où se prennent les décisions. Et il a le devoir moral de faire aboutir un projet de qualité qui ne défigurera pas le centre-ville de la métropole du Québec.

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