Il y a 1000 façons plus élégantes de quitter la vie politique qu’en comparant le rôle d’élu à une « plante verte », comme l’a fait la députée du Parti conservateur Claire Samson avant de quitter l’Assemblée nationale cette semaine.

Tout dépend de l’effort que chacun veut bien y mettre. Et si, de son propre aveu, Mme Samson a bossé moins fort au Salon bleu qu’au restaurant Da Giovanni dans sa jeunesse, il ne faut surtout pas en conclure que les autres députés n’ont pas le cœur à l’ouvrage.

En cette fin de session parlementaire, le travail des députés qui quittent définitivement la politique mérite d’être souligné.

Nos politiciens sont sans cesse soumis à la critique. De la part des partis adverses, des médias, des électeurs. Et c’est une bonne chose dans la mesure où l’objectif est de faire avancer le débat. Mais nos élus méritent aussi un coup de chapeau pour le travail essentiel et souvent sous-estimé qu’ils accomplissent.

Plusieurs laisseront leur marque au Québec.

C’est le cas de l’ancien ministre libéral des Finances Carlos Leitão. Quand il a pris le gouvernail, les finances publiques de la province tanguaient. Cela n’a pas fait les manchettes, mais le grand argentier a dû se débattre avec les agences de crédit qui menaçaient le Québec d’une décote, ce qui aurait été très néfaste.

Par la suite, l’austérité libérale n’a pas été populaire. Mais c’est tout de même ce qui a permis de remettre les finances publiques à flots et de mieux affronter la pandémie, ce que l’actuel ministre des Finances, Eric Girard, a toujours eu le chic de reconnaître.

Parmi les autres vétérans qui quittent les rangs libéraux, soulignons l’apport de Kathleen Weil, qui a notamment été derrière la modernisation de la Loi sur la protection du consommateur avec des mesures avant-gardistes comme l’encadrement des frais abusifs des cellulaires.

Il y a aussi l’ancienne vice-première ministre Lise Thériault, Christine St-Pierre, Pierre Arcand… En fait, la moitié du caucus libéral s’en va. Même des recrues récentes comme Paule Robitaille, qui n’a fait qu’un mandat, ce qui montre que le parti a un défi de taille pour renouveler son équipe.

Du côté du Parti québécois (PQ), il faut saluer l’implication de Sylvain Gaudreault, qui a mis tout son cœur dans la lutte contre les changements climatiques, comme l’a souligné le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, dans un élan transpartisan au Salon bleu, ce qui est tout à son honneur.

Dommage qu’il ait ensuite rejeté l’idée de M. Gaudreault de créer un groupe transpartisan avec des membres de tous les partis, ce qui aurait été une belle façon de placer un enjeu aussi crucial que le climat au-dessus des considérations politiques.

La députée péquiste Véronique Hivon, qui prend aussi sa retraite du PQ, a démontré de brillante façon qu’on peut débattre de manière non partisane lorsque la gravité d’un enjeu l’impose, comme dans le cas de l’aide médicale à mourir.

Malheureusement, l’élargissement de cette loi dont elle est la marraine n’a pas pu être adopté cette semaine, faute de temps. Mais il valait mieux reporter le projet que de tourner les coins ronds dans un dossier aussi délicat et complexe.

Chapeau, Mme Hivon, pour votre parcours inspirant qui prouve qu’on peut faire de la politique sereinement.

Malheureusement, ce n’est pas cette image que les citoyens ont de la politique quand ils regardent la période de questions à l’Assemblée nationale, qui remplit les bulletins de nouvelles.

Ici, soulignons le travail de François Paradis, qui avait le rôle ingrat de faire régner l’ordre à l’Assemblée nationale durant une période lourde comme la pandémie. Avec son départ de la Coalition avenir Québec (CAQ), l’expertise qu’il avait réussi à développer comme président de l’Assemblée sera perdue.

Un autre que lui devra apprendre le lexique des mots interdits, comme Ti-Coune, cabotin, pleutre, pantin, nono, hurluberlu, fainéant, despote éclairé, pyromane… ou Prince consort de l’astuce.

Le terme enfantillage est également proscrit, même s’il faut bien avouer que le Salon bleu a souvent l’air d’une cour d’école, avec tout son tiraillage qui alimente le cynisme croissant envers les parlementaires.

Sauf que l’Assemblée nationale, c’est bien plus que ça. À caméras fermées, on y trouve une collégialité surprenante. Par exemple, lors de l’étude des lois, les députés de tous les partis peuvent apporter des amendements qui bonifient le résultat final.

Ce processus fait en sorte que la majorité (62 %) des projets de loi ont été adoptés à l’unanimité lors de la dernière législature, même s’il est vrai que la proportion était généralement supérieure à 80 % avant la multiplication des partis politiques.

Bien sûr, il faut aussi souligner le rôle crucial que les députés jouent dans leur circonscription, où ils sont un croisement entre l’agent de développement économique et le travailleur social. Un rôle qui a été particulièrement lourd durant la pandémie.

Alors pour tout cela, nos députés méritent des fleurs… pas une plante verte.

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