Neuf ans. Neuf années se sont écoulées depuis le déraillement d’un train au centre-ville de Lac-Mégantic, fauchant la vie de 47 personnes dans la nuit du 6 juillet 2013.

Et neuf ans plus tard, quatre ou cinq fois par jour, un long convoi ferroviaire traverse encore ce centre-ville, en traînant ses lourds wagons-citernes remplis de pétrole…

Ça vous étonne ? Vous n’êtes pas seul.

L’étonnement, les citoyens de Lac-Mégantic le lisent très souvent chez les visiteurs qui voient passer ces trains sur les lieux mêmes de la catastrophe de 2013. Encore plus lorsqu’ils leur rappellent que les travaux de la voie de contournement ne sont même pas commencés !

Ce retard est extrêmement frustrant et désolant. Mais ce qui nous chagrine également, c’est d’entendre les échos de discorde qui nous parviennent de la région.

Le consensus est pourtant bien clair : les Méganticois ne veulent plus – avec raison ! – que cette voie ferrée traverse le cœur de leur ville. Une voie de contournement sera construite entre la municipalité de Nantes, au nord-ouest, et celle de Frontenac, à l’est.

Il aura fallu cinq trop longues années après l’accident pour enfin désigner un tracé de 12,5 km après l’étude de plusieurs scénarios. Le fédéral assumera 60 % des coûts des travaux, Québec se chargera des 40 % restant. Le Canadien Pacific, qui a racheté en 2019 la compagnie Central Maine & Quebec Railway qui exploitait la ligne lors de l’accident de 2013, sera propriétaire de la nouvelle voie ferrée. Le BAPE et la Commission de protection agricole du Québec ont chacun terminé leurs consultations et remis leurs rapports depuis un bon moment déjà.

Nous voilà donc à la veille de souligner le 10e anniversaire de la tragédie. Selon le calendrier prévu, la nouvelle voie aurait dû entrer en fonction en 2023. Ce ne sera pas le cas.

Il reste encore quelques fils à attacher. Les propriétaires des terrains où passera la nouvelle voie viennent de recevoir des avis d’acquisition de Transports Canada – une quarantaine de transactions doivent être conclues avant de lancer les travaux. La démarche hérisse évidemment certains d’entre eux, qui participent ces jours-ci à une nouvelle fronde de contestation.

Ce n’est pas d’hier que des opposants au projet se font entendre, qu’ils soient contre le tracé de la nouvelle voie ou contre la nécessité d’en construire une tout court.

Déjà, en 2017, le BAPE soulignait que l’appui au projet n’était pas unanime et faisait ressortir d’importantes lacunes dans la transmission d’informations aux citoyens.

Ces lacunes plombent malheureusement toujours le processus. Ce mois-ci, les opposants brandissent les résultats de « sondages maison » qui montreraient, selon eux, qu’une « majorité » des citoyens des trois municipalités sont opposés au tracé de la voie de contournement. Si on peut douter de la méthodologie de ces sondages, on ne peut ignorer le malaise qu’ils évoquent.

La méfiance des opposants est alimentée par des rumeurs sur les conclusions d’un rapport qui n’a pas encore été rendu public. Lors d’une récente manifestation contre le nouveau tracé, le maire de Frontenac, Gaby Gendron, a dit craindre une contamination potentielle de la nappe phréatique. Ce risque a été évalué dans un rapport sur les impacts hydrologiques des travaux qui vient d’être remis à Transports Canada. Ses homologues de Nantes et de Lac-Mégantic ont été plus circonspects, préférant attendre qu’on leur remette les conclusions du rapport avant de se prononcer.

À quel point l’approvisionnement en eau potable des citoyens est-il menacé ? On ne le sait pas. Pressé par les élus, Transports Canada s’est engagé à leur remettre ces informations en août, et tiendra une consultation publique sur ces questions hydrologiques en septembre.

Une énième consultation publique ? Oui.

Ce projet avance à tout petits pas, mais au moins, on se console à l’idée qu’il avance avec transparence…

Mais il ne faut surtout pas ralentir la cadence. D’autant plus que, plus le temps passe, plus les coûts vont grimper. Les travaux étaient évalués à 133 millions en 2018. Le printemps dernier, le budget fédéral a prévu 237 millions pour le projet.

Personne ne s’attend désormais à ce que la facture finale soit moins élevée. Mais au nom de l’engagement collectif pris envers Lac-Mégantic, il faut que ce projet aboutisse. Vite, et bien.

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