Thérèse Perdiac, 91 ans, est morte à Montréal le 9 juillet dernier après avoir attendu l’ambulance durant 7 heures. Quelques semaines plus tôt, Myron Cybriwski, 65 ans, l’avait attendue 11 heures. Elle est arrivée trop tard pour lui aussi.

Quand on attend une ambulance, chaque seconde dure une éternité.

Mais depuis quelque temps, les secondes ont tendance à se transformer en minutes puis en heures. L’engorgement des urgences et la pénurie de main-d’œuvre ont un impact direct sur la qualité du travail des ambulanciers paramédicaux.

Le temps de réponse a augmenté dans les grands centres ainsi qu’en région, où les ruptures de service sont de plus en plus fréquentes. La population s’inquiète, avec raison.

Cette situation n’est pas propre au Québec. Toutes les provinces canadiennes font face au même problème. De la Colombie-Britannique à la Nouvelle-Écosse, le temps de réponse des services ambulanciers est en hausse.

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, le système de santé canadien, déjà fragile, craque de partout. Et les techniciens ambulanciers sont sur la ligne de front de cette crise accentuée par le vieillissement de la population et la multiplication des cas de santé mentale, deux clientèles qui ont tendance à sursolliciter les transports en ambulance.

Cela dit, il existe des solutions pour optimiser les interventions.

On cite souvent en exemple les services ambulanciers du comté de Renfrew, à l’ouest d’Ottawa, dont la réputation dépasse nos frontières. En plus des tâches habituelles, leurs techniciens effectuent des visites à domicile, peuvent faire des suivis de base comme la prise de pression et de la surveillance à distance, grâce à un équipement de pointe. En région éloignée, ils peuvent également livrer de l’équipement médical par drone, gagnant ainsi un temps précieux.

Cette approche, qui accorde plus d’autonomie à ceux qu’on appelle aussi les « paramedics », semble faire son chemin jusque chez nous. Dans sa Politique gouvernementale sur le système préhospitalier d’urgence qu’il a dévoilée à la mi-juin, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a proposé plusieurs mesures qui, selon lui, transformeront les interventions des ambulanciers en profondeur.

D’ici au dépôt du plan d’action, prévu pour 2023, on a lancé plusieurs projets-pilote qui misent sur la capacité des ambulanciers paramédicaux à évaluer un cas et à le diriger vers le bon service, ce qu’on appelle dans le jargon gouvernemental « la paramédecine de régulation ».

C’est une excellente chose.

L’ambulance n’est pas un taxi ni un laissez-passer pour entrer plus rapidement aux urgences.

Par exemple, depuis le 25 juillet, les techniciens d’Urgences-santé peuvent laisser seul aux urgences un patient jugé stable, alors qu’avant, ils devaient attendre sa prise en charge. Une unité de coordination clinique les aide aussi, grâce à l’embauche d’infirmières, à mieux orienter les appels. On verra d’ici quelques mois si cette nouvelle approche donne des résultats.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux suit également de près un projet-pilote de médecine préambulatoire communautaire en Montérégie-Centre. Ce projet, lancé en janvier 2020, permet aux techniciens ambulanciers de travailler en équipe avec des infirmières qui les accompagnent au téléphone pour évaluer l’état des patients de 65 ans et plus ayant composé le 911. Si on juge que le transfert aux urgences n’est pas nécessaire, le malade sera visité dans les heures qui suivent ou réorienté vers le bon service. On évalue jusqu’ici que sur 2900 appels, 1500 transports en ambulance ont été évités. À terme, cette approche pourrait être exportée dans d’autres régions du Québec, et utilisée auprès d’autres clientèles.

Ces changements d’approche nécessaires devraient contribuer à réduire le temps d’intervention des ambulanciers paramédicaux. Mais ils ne régleront pas tout. Ils ne répondent pas, du moins à court terme, au problème criant de pénurie de personnel.

Lundi, sur son compte Twitter, Urgences-santé présentait ses 17 nouvelles recrues. Il en aurait fallu une centaine pour couvrir le territoire de Montréal et de Laval.

La rétention du personnel aussi est difficile. La formation, aussi bonne soit-elle, ne prépare pas les recrues à la dure réalité qui les attend. On a beaucoup parlé des moyens de pression des ambulanciers qui aimeraient bien pouvoir prendre leur pause de 30 minutes pour avaler leur lunch. Mais on ne parle pas suffisamment des scènes d’accident, des suicides et de la détresse humaine qui composent leur quotidien…

On ne dit pas assez à quel point le travail de nos ambulanciers, qui carburent à l’adrénaline, est éprouvant physiquement et psychologiquement.

Et les mesures mises en place jusqu’ici ne semblent pas suffisantes pour les aider à décanter les émotions fortes qui peuvent se transformer en état de choc post-traumatique si elles ne sont pas traitées adéquatement. D’où le nombre élevé de départs.

Les techniciens ambulanciers, qui viennent tout juste de conclure une entente de principe avec leurs employeurs, vont recommencer à négocier bientôt, leur convention collective arrivant déjà à échéance en 2023. Il serait plus que temps de reconnaître leurs besoins et l’importance de leur travail dans la grande chaîne du système de santé.

La sécurité de tous en dépend.

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