Québec solidaire (QS) a toujours eu l’imagination très fertile en matière fiscale.

Il y a quatre ans, le parti résolument de gauche ne proposait rien de moins qu’une nationalisation de tous nos comptes d’épargne libre d’impôt (CELI) pour financer les rénovations vertes. Même si l’objectif écologique était louable, cette promesse électorale ne tenait tout simplement pas la route.

Il en va de même pour sa nouvelle proposition de taxer les millionnaires qui est tout de même parvenue à un rare exploit : mettre d’accord François Legault, Dominique Anglade, Paul St-Pierre Plamondon et Éric Duhaime.

Les quatre chefs sont contre ! Et ils ont bien raison.

Bien sûr, les riches doivent apporter leur contribution. Mais tout est dans la manière. En brandissant l’idée d’un impôt sur les grandes fortunes et sur les grandes successions, les solidaires ratent la cible.

Parlons d’abord de l’impôt sur les grandes fortunes de QS. Les contribuables auraient à payer un impôt de 0,1 % chaque année sur leurs actifs au-delà de 1 million de dollars, 1 % au-delà de 10 millions et 1,5 % au-delà de 100 millions.

La mesure vise les « ultra-riches », selon Gabriel Nadeau-Dubois. Mais attention : cette étiquette risque de coller à plus de Québécois qu’on pense.

Par exemple, quand on calcule la valeur actuarielle des régimes de retraite, il y a pas mal d’employés de la fonction publique qui sont millionnaires, sans le savoir.

Il y a aussi beaucoup de « riches » chez les propriétaires, quand on sait qu’un immeuble à revenus médian vaut plus de 800 000 $ dans l’île de Montréal.

Or, certains propriétaires qui vivent depuis longtemps dans un quartier qui s’est embourgeoisé n’ont pas forcément des revenus si élevés. Déjà, ils ont du mal à payer la note salée des impôts fonciers. Il ne faudrait pas en rajouter une couche.

Ça ruait aussi dans les brancards chez les agriculteurs. Tellement que Gabriel Nadeau-Dubois a été forcé de rétropédaler, en disant que les terres agricoles seraient exemptées.

Jetons maintenant un coup d’œil à l’impôt sur les grandes successions qui s’élèverait à 35 %, après une exemption pour le premier million légué, selon la proposition de QS.

Le parti met l’accent sur le fait que 24 des 37 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont un impôt sur les successions, mais pas nous. C’est vrai. Mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’impôt à payer au décès. Au contraire.

Quand un Québécois meurt, sa succession doit payer l’impôt sur le gain en capital, c’est-à-dire la plus-value réalisée entre le moment de l’achat et celui du décès sur les biens que le défunt possédait (sauf exception, comme la résidence principale).

Justement, l’impôt sur le gain en capital a été instauré en 1972 au Canada, afin de remplacer l’impôt sur les successions. Toutes les provinces ont suivi.

Aujourd’hui, le Canada est carrément le pays le plus gourmand de l’OCDE en matière d’impôts sur le patrimoine, qui incluent non seulement les impôts sur les actifs et les successions, mais aussi les impôts fonciers et les droits de mutation immobiliers.

Le Québec aussi a les dents longues. Chez nous, l’impôt sur le patrimoine représente 3,6 % du PIB, pratiquement le double de la moyenne de l’OCDE (1,9 %), selon le Bilan de la fiscalité au Québec de l’Université de Sherbrooke.

Pas besoin d’en rajouter.

Cela serait nuisible aux entreprises familiales qui désirent passer le flambeau à la prochaine génération, et ne pas être forcées de vendre à une entreprise étrangère.

Si Québec veut imposer davantage les riches, il devrait plutôt imiter Ottawa, qui a annoncé, dans son dernier budget, un tour de vis à son impôt minimum de remplacement. Par cette mécanique, le fisc s’assure que les contribuables ne peuvent pas maximiser à l’extrême les crédits et déductions fiscales pour payer seulement des poussières d’impôt.

Avant d’augmenter les impôts, déjà élevés au Québec, assurons-nous que tout le monde paie sa juste part. Sans entourloupette.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion