Si la reine était morte un an plus tôt, le Québec aurait été plongé dans un branle-bas de combat constitutionnel. À cause d’un vide législatif, la province aurait pu être forcée de dissoudre l’Assemblée nationale et de déclencher des élections après le dernier souffle d’Élisabeth II.

Heureusement, cette faille a été colmatée en 2021. Néanmoins, le hasard veut qu’Élisabeth II s’éteigne en pleine campagne électorale. Même si la controverse constitutionnelle a été évitée de justesse, la situation n’en demeure pas moins délicate pour les politiciens qui vont devoir trouver le bon dosage dans le processus de deuil.

Certes, pécher par indifférence serait mal reçu. Les hommages ont d’ailleurs fusé de toutes parts dans les heures qui ont suivi la triste nouvelle. Le premier ministre François Legault a même mis sa campagne sur pause.

En revanche, les royalistes trop zélés paraîtront déconnectés de l’époque, alors que trois Québécois sur quatre – et même un Canadien sur deux – considèrent que le Canada ne devrait pas rester une monarchie constitutionnelle.

Mais en réalité, les deux positions sont loin d’être inconciliables.

Évidemment, les Québécois sont attachés à la reine qui, après sept décennies sur le trône, ne peut qu’inspirer le respect. Élisabeth II a traversé l’histoire moderne. Elle l’a marquée par son sens du devoir qui a légitimé la monarchie britannique, malgré les scandales. Elle l’a teintée par le rôle stabilisateur qu’elle a su exercer dans un monde où tout semble de plus en plus éphémère.

La reine a transcendé son époque. Au même titre que Winston Churchill qui était premier ministre lors de son accession au trône en 1952 et que l’on a qualifié d’homme le plus important du XXe siècle.

Au-delà de la géopolitique, les Québécois éprouvent de la tristesse pour la femme qui s’éteint et qui faisait partie de leur vie depuis toujours, encore plus depuis la sortie de la série The Crown qui a déroulé le scénario de sa vie devant des millions de téléspectateurs.

Mais malgré toute la peine entourant la disparition de la reine, malgré la nostalgie d’une époque révolue, il n’est pas inconvenant de se poser des questions constitutionnelles à ce moment charnière.

Au Royaume-Uni, l’accession au trône de Charles III s’est faite instantanément. Mais chez nous, le changement de règne relance un grand débat : le Canada doit-il couper le cordon avec la monarchie ?

Il est anachronique que notre pays soit dirigé par un gouverneur qui est le représentant d’un chef d’État étranger. Mais ce vestige de l’époque colonialiste n’est pas si simple à envoyer au musée.

Il faut dire que le gouverneur général joue encore un rôle dont on ne pourrait pas se passer, notamment pour proroger le Parlement ou constater le résultat de l’élection minoritaire d’un gouvernement.

Toutefois, ce rôle n’a pas forcément à être endossé par un représentant de la couronne britannique. Sauf que pour changer les règles, il faudrait remanier la Constitution et obtenir l’accord de toutes les provinces. Une boîte de Pandore qu’aucun dirigeant ne veut ouvrir, de crainte que chaque province arrive avec sa liste de demandes.

Cela étant dit, on peut revoir nos traditions sans chambarder la Constitution.

Par exemple, on pourrait faire approuver le choix du prochain gouverneur général par le Parlement, ce qui donnerait déjà un vernis plus démocratique à sa fonction.

On pourrait aussi revoir l’importance qu’on accorde à la monarchie dans notre quotidien. Faut-il garder le visage de la reine sur nos billets de 20 dollars ? Ou le remplacer par celui du nouveau roi qui ne jouit pas de la même cote de popularité que sa mère ? Ou encore par un autre personnage symbolisant les racines de notre pays ?

Pour l’instant, l’heure est au deuil. Mais après, il faudra entrer dans une nouvelle époque.

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