Qui est Éric Duhaime et quel projet politique défend-il ?

Il n’est pas simple de répondre à cette question.

Depuis le début de la campagne, le politicien impressionne. Il a pris les rênes d’un parti qui vivotait et l’a sorti de la marginalité. Le Parti conservateur du Québec rivalise aujourd’hui avec le Parti libéral, Québec solidaire et le Parti québécois dans les intentions de vote. Ce n’est pas rien.

M. Duhaime mène également une campagne respectueuse. Ceux qui craignaient qu’il emprunte le manuel d’instructions de Donald Trump ou de Pierre Poilievre peuvent se rassurer.

Il s’agit d’une excellente nouvelle pour le climat social et la santé de notre démocratie.

C’est d’ailleurs avec cordialité qu’il s’est prêté à une entrevue éditoriale avec La Presse. Une entrevue un peu spéciale qui, dû à des difficultés d’arrimage d’horaires, s’est déroulée en vidéoconférence, obligeant le chef conservateur à répondre à nos questions depuis son autobus de campagne, entre Longueuil et Lotbinière.

Mais il ne faut pas s’arrêter à la façade lisse et polie affichée par M. Duhaime en campagne. Parce que si on creuse plus loin, on constate que le vernis craque. Que la plateforme conservatrice repose sur des illusions.

Et que M. Duhaime traîne avec lui un lot de casseroles qui minent sa capacité à s’imposer comme un leader rassembleur capable de diriger la province. Après tout, c’est le mandat qu’il demande à la population.

Commençons par dire qu’il y a de la place pour un parti résolument de droite au Québec.

M. Duhaime ose attaquer de front notre fameux « modèle québécois », caractérisé par un État très présent et des impôts élevés. C’est parfaitement sain. Les vaches sacrées peuvent aller paître ailleurs et on ne confrontera jamais trop nos politiques publiques.

Quand M. Duhaime prône une plus grande présence du privé en santé ou dans notre système de garderies, par exemple, il force des débats qui servent la démocratie. Même chose quand il parle d’abolir le monopole de la SAQ ou de diminuer les subventions aux entreprises.

Mais le gros problème de la plateforme conservatrice est qu’elle repose sur une illusion : celle qu’on peut scinder le modèle québécois en deux et n’en garder que la moitié qui fait notre affaire. Bref, qu’on peut abolir les impôts élevés tout en conservant des services publics forts.

Encore en entrevue, M. Duhaime a réitéré qu’il « n’est pas question de couper les services à la population ».

On nage ici en pleine pensée magique. Le vieillissement de la population, la pénurie de personnel et nos déficits en infrastructures nous obligeront à hausser considérablement nos dépenses au cours des prochaines années pour maintenir le même niveau de service. Or, la plateforme conservatrice prévoit les abaisser de plus de 10,6 milliards par année par rapport au scénario de référence, selon la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

Des États où les impôts sont plus bas qu’au Québec, ça existe. Mais là-bas, les parents ne reçoivent pas 200 $ par semaine pour faire garder leurs enfants (une promesse conservatrice). Et ils n’ont pas un réseau de CPE comme celui que les conservateurs veulent maintenir.

Que M. Duhaime rêve d’un régime minceur pour l’État, soit. Mais il doit avoir l’honnêteté d’en présenter les deux côtés de la médaille aux citoyens. Sinon, ça revient à promettre le beurre et l’argent du beurre.

L’autre écueil majeur de la plateforme conservatrice est l’environnement. M. Duhaime veut complètement éliminer nos cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES) et bâtir des infrastructures pétrolières qui dureront des décennies. C’est précisément le contraire de ce que dicte la science pour limiter le réchauffement de la planète.

Quand on lui demande quelle mesure il compte instaurer pour réduire les GES, il évoque des « solutions technologiques » sans citer un seul exemple concret. Ce n’est pas sérieux.

Les Québécois ont aussi le droit de savoir qui est le véritable Éric Duhaime. Derrière la façade du politicien posé se cache un agitateur de première classe.

Un homme qui a passé des années à utiliser sa tribune radiophonique pour tenir des propos grossiers et méprisants envers les moins nantis, les femmes, les communautés culturelles.

Éric Duhaime a déjà soutenu que ceux qui ne paient pas d’impôts ne devraient pas avoir le droit de vote. Il a comparé une vague d’agressions sexuelles survenues à l’Université Laval à un vol de voiture, rejetant le blâme sur les victimes. Il a banalisé le dépôt d’une tête de porc devant une mosquée.

Il dit aujourd’hui être cité « hors contexte ». C’est trop facile. Aucun contexte ne peut justifier de tels propos. Les déclarations d’Éric Duhaime n’appartiennent pas qu’au passé. Encore aujourd’hui, le mouvement politique qu’il dirige s’en nourrit. Elles sont indissociables de ce qu’il est et de ce qu’il représente. Et sont indignes d’un aspirant premier ministre.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion