Il y a deux problèmes dans l’approche du premier ministre François Legault dans l’épineux dossier de la Fonderie Horne.

Le premier est quand M. Legault répète que c’est « aux citoyens de Rouyn-Noranda de décider » du sort de l’usine.

C’est faux. L’obligation de faire respecter les normes environnementales et d’assurer la santé des gens revient au gouvernement, pas aux citoyens. M. Legault ne peut se décharger de ses responsabilités pour les rejeter sur les épaules de la population.

Le deuxième problème est quand M. Legault reprend les arguments de l’entreprise en affirmant qu’il est « techniquement impossible » d’atteindre la norme de 3 nanogrammes d’arsenic par mètre carré.

Ça aussi, c’est faux. Il y a toujours des moyens d’atteindre une norme — éloigner les résidences de la Fonderie en créant une zone tampon, réduire la production de l’usine, modifier les intrants qu’elle accepte.

L’atteinte de la norme ne devrait pas être négociable. Ce qui se discute, ce sont les moyens et les délais pour y arriver.

La campagne électorale est maintenant terminée. Un nouveau député caquiste a été élu sur place. Le moment est venu d’un changement de ton et de stratégie de la part du gouvernement.

Prenons les problèmes un à un.

On peine encore à comprendre ce que M. Legault veut dire exactement quand il affirme que ce sont les citoyens de Rouyn-Noranda qui décideront de fermer ou non la Fonderie Horne.

Une telle décision serait-elle prise par référendum ? Le premier ministre n’écarte pas l’idée. Elle est pourtant épouvantable.

Qui se prononcerait exactement ? Les seuls citoyens qui sont exposés à des taux d’arsenic supérieurs aux normes ? On ne sait même pas combien ils sont précisément, les capteurs n’étant pas assez nombreux pour l’établir et la concentration variant selon les jours et les vents. C’est sans compter les autres métaux comme le plomb, le cadmium et le nickel, qui suscitent aussi des inquiétudes.

Les 650 travailleurs de la Fonderie devraient-ils avoir aussi leur mot à dire ? Dans ce cas, quel groupe serait le plus nombreux ?

Faudrait-il plutôt étendre l’exercice à l’ensemble des citoyens de la ville ? Mais alors, comment justifier le fait que le vote d’un Rouynorandien qui respire de l’air pur à l’autre bout de la ville ait le même poids que celui d’un autre du quartier Notre-Dame dont le bébé présente des taux inquiétants d’arsenic dans les ongles ?

Bonjour le casse-tête et les maux de tête.

Bonjour, aussi, l’ambiance et la division sociale. Organiser un référendum, c’est mettre directement en opposition les inquiétudes de santé des uns avec les intérêts économiques des autres.

Le rôle du gouvernement devrait être au contraire d’atténuer les clivages, de protéger la santé en minimisant les impacts économiques négatifs. Pas de lancer le ballon à des citoyens qui ont des intérêts divergents en leur disant de se chicaner entre eux.

Ce référendum, personne ne semble d’ailleurs en vouloir sur place. « C’est au gouvernement de prendre la décision. Il doit assumer son leadership », nous a dit Félix-Antoine Lafleur, président du conseil central de l’Abitibi-Témiscamingue pour la CSN, qui représente les travailleurs de l’usine.

La mairesse de Rouyn-Noranda, Diane Dallaire, envoie exactement le même message. « C’est la responsabilité du gouvernement de fixer les règles », nous dit-elle. Ça peut difficilement être plus clair.

Le gouvernement tient actuellement des consultations publiques sur le renouvellement de l’attestation d’assainissement permettant à la Fonderie Horne de dépasser les normes. C’est à saluer.

Cette consultation amènera un éclairage précieux. Mais répétons-le : si le gouvernement en vient à la conclusion qu’il faut fermer la Fonderie Horne, c’est lui, et non la population, qui doit prendre et assumer cette lourde décision.

Au lieu d’envisager un référendum pour faire avaler un compromis à la population, le gouvernement devrait plutôt utiliser tout son poids pour amener l’usine à respecter les normes environnementales en vigueur.

C’est ce que souhaite la communauté, y compris le Syndicat des travailleurs de la mine Noranda.

M. Legault répète qu’il est à l’aise avec la valeur de 15 nanogrammes d’arsenic par mètre cube suggérée par l’Institut national de santé publique du Québec et que l’entreprise dit pouvoir atteindre d’ici cinq ans. Le hic, c’est que l’INSPQ précise bien que cette valeur est acceptable « d’ici à l’atteinte de la norme d’arsenic de 3 ng/m⁠3 ».

On n’en sort donc pas : il faut un plan qui vise l’atteinte de la norme d’arsenic, mais aussi celles concernant tous les autres polluants. Pour ça, il n’y a qu’une façon de faire : partir des normes, puis examiner les différents chemins pour y arriver.

M. Legault aurait intérêt à envoyer le message clair que les normes existent pour être respectées au Québec. Et faire preuve de leadership en assumant ses responsabilités et en écartant cette aberrante idée de référendum.

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