Ça a été beaucoup trop long, mais le PDG Scott Smith et les membres du C.A. de Hockey Canada ont fini par quitter leur poste.

Bon débarras.

Il fallait faire table rase chez les hauts dirigeants de Hockey Canada pour commencer à opérer un véritable changement de culture.

Mais ce n’est pas la fin de cette histoire.

Au contraire, le travail ne fait que commencer.

Au lieu de compter les médailles d’or sur la patinoire, Hockey Canada et le monde du hockey doivent plutôt se concentrer à y changer la culture toxique.

Trois dossiers sont prioritaires, et devront être menés simultanément.

Premièrement, il faut savoir ce qui s’est passé dans cette chambre d’hôtel de London à l’été 2018. Les allégations sont horribles : un viol collectif de la part de huit joueurs d’Équipe Canada junior 2018.

La police de London a rouvert son enquête criminelle, et on verra si des accusations sont déposées. La justice criminelle va suivre son cours.

Le monde du hockey ne peut toutefois pas se réfugier derrière la justice criminelle et son fardeau de preuve hors de tout doute raisonnable (on ne dépose pas d’accusations criminelles sur de simples soupçons, et heureusement, d’ailleurs).

Jouer dans l’équipe nationale du Canada ou dans la Ligue nationale de hockey n’est pas un droit. C’est un privilège. Ces athlètes doivent être tenus à un standard plus élevé que le respect du Code criminel. Les règlements de la LNH interdisent d’ailleurs tout « comportement préjudiciable » pour le sport. Si l’enquête de la LNH conclut (selon la preuve « 50 % + 1 ») qu’il y a eu agression sexuelle, les agresseurs devront être sévèrement punis par la LNH. Suspendus sans solde pendant plusieurs saisons. Les conclusions des enquêtes indépendantes sont attendues au cours des prochains mois. Elles devront être rendues publiques, en protégeant l’identité de la présumée victime.

Deuxièmement, il faut changer la culture du hockey, particulièrement au niveau élite. On doit pouvoir pratiquer n’importe quel sport sans craindre de subir de la maltraitance (agression sexuelle, harcèlement, discrimination, racisme).

Les victimes doivent pouvoir dénoncer la maltraitance, et les organisations doivent prendre ces allégations au sérieux et les traiter de façon indépendante (par l’entremise du nouveau Bureau du commissaire à l’intégrité dans le sport).

La maltraitance n’est pas l’affaire d’un seul sport, mais la culture toxique est particulièrement forte au hockey élite masculin. C’est pourquoi toutes les fédérations de hockey doivent opérer dès maintenant ce virage pour un sport sûr. Hockey Québec annoncera bientôt de nouvelles mesures pour lutter contre la maltraitance dans le sport. Quiconque a déjà mis les pieds dans un aréna sait qu’il s’agit d’un défi à long terme.

Troisièmement, il faut aussi changer la « culture d’entreprise » chez Hockey Canada, réputé pour son manque de transparence et son absence de responsabilité.

Hockey Canada est un « country club » dirigé en pratique depuis des décennies par son PDG tout-puissant. Le C.A., composé de bénévoles, n’exerçait pas son rôle de chien de garde pourtant essentiel pour un organisme gérant des dizaines de millions. À elle seule, la Fondation de Hockey Canada dispose d’environ 22 millions de dollars en actifs.

La gouvernance chez Hockey Canada est déficiente. La reddition de comptes, superficielle – notamment sur le plan financier. Quel autre organisme sans but lucratif donne des bagues d’une valeur de 3000 $ aux membres bénévoles de son C.A. quand le Canada gagne une médaille d’or ? Règle à l’amiable, à même un fonds financé par les cotisations de tous les jeunes hockeyeurs, une poursuite civile pour viol collectif sans trop insister pour savoir ce qui s’est passé ?

Il est temps que les fédérations provinciales mettent de l’ordre là-dedans. Hockey Québec doit faire preuve de leadership dans ce dossier. Pour proposer de nouveaux administrateurs (les fédérations éliront le nouveau C.A. en décembre) comme pour exiger des réformes majeures sur la gouvernance.

On a vu où un conseil d’administration de bénévoles inféodés à un PDG tout-puissant nous a menés. Il faut un C.A. compétent, diversifié, capable de demander des comptes. Il faut un vrai C.A. professionnel, quitte à le rémunérer modestement.

Pour que la culture d’impunité et d’opacité change réellement à Hockey Canada.

Pas seulement jusqu’au prochain scandale.

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