La laitue du tabloïd Daily Star aura finalement eu une plus grande longévité que la première ministre britannique Liz Truss.

Durant son mandat de 45 jours – le plus court de l’histoire du Royaume-Uni –, Liz Truss est parvenue à :

– faire l’unanimité contre elle en proposant, en pleine crise du pouvoir d’achat, des baisses d’impôt à crédit pour les plus fortunés, les banquiers et les entreprises ;

– faire descendre le cours de la livre sterling ;

– inquiéter des agences de notation.

Quand les tabloïds britanniques prédisent – avec raison – que le gouvernement durera moins longtemps qu’une laitue, c’est que ce mandat a été particulièrement catastrophique.

Avertissement : la crise du gouvernement Truss nous concerne aussi au Canada.

Tous les pays ont deux grandes leçons à tirer de l’expérience désastreuse du gouvernement Truss.

Premièrement : baisser les impôts des plus fortunés en pleine crise du pouvoir d’achat, c’est une idée catastrophique sur le plan politique. Et insensée sur le plan économique, n’en déplaise à Ronald Reagan, Margaret Thatcher et Donald Trump.

La théorie du « ruissellement », qui veut que les baisses d’impôt aux plus fortunés mènent à une plus grande croissance économique et ainsi à des bénéfices pour l’ensemble de la population, ne tient pas la route. Deux chercheurs du King’s College de Londres ont analysé les baisses d’impôt dans 18 pays depuis 50 ans. Leur conclusion : les baisses d’impôt aux plus fortunés n’ont pas d’impact significatif sur l’emploi ou la croissance économique, mais elles augmentent les inégalités de richesse1.

Consultez l’étude des chercheurs David Hope et Julian Limberg (en anglais)

Deuxième leçon très importante pour Justin Trudeau et François Legault : en cette période de forte inflation, il faut laisser les banques centrales faire leur travail de combattre l’inflation.

On comprend l’inquiétude des gens, particulièrement les ménages à faible revenu et la classe moyenne. On n’a pas connu une inflation aussi forte depuis les années 1980. Ça fait mal au portefeuille.

Mais le plus grand danger économique actuellement, c’est qu’on bascule dans une spirale inflationniste : les prix augmentent rapidement, l’économie surchauffe, les gens voient leur pouvoir d’achat s’éroder et perdent confiance en l’économie.

Pour ramener notre inflation de 6,9 % à une cible entre 1 % et 3 %, la Banque du Canada doit mettre le frein à l’économie. Elle monte donc les taux d’intérêt, pour ralentir la croissance. Ça provoquera une hausse du chômage et possiblement un ralentissement (voire une récession) au début de 2023.

Même si la tentation est grande de voler au secours de 100 % des ménages, les gouvernements doivent éviter de compliquer la tâche à la Banque du Canada.

Justin Trudeau et François Legault sont placés devant le même dilemme. Les citoyens subissent les conséquences de l’inflation élevée, et la pression est forte pour les aider immédiatement. Sauf que lorsque le gouvernement intervient, il stimule la consommation, l’inflation augmente, la banque centrale doit encore augmenter les taux, les citoyens veulent plus d’aide, et on ne s’en sort pas…

Dans ce contexte économique particulier, Ottawa et Québec ne doivent pas offrir une aide généralisée à tous les contribuables, surtout les plus aisés. Un chèque de 400 $ à un Québécois qui gagne 99 999 $, comme la CAQ veut le faire cet automne, ce n’est pas une bonne solution. Il faut espérer qu’il n’y ait pas d’autres chèques comme ça.

Ça ne veut pas dire rester complètement les bras croisés. Il est primordial d’avoir une aide ciblée et ponctuelle pour les ménages à plus faible revenu. Par exemple, le gouvernement Trudeau a doublé pour six mois le crédit d’impôt fédéral de TPS pour les contribuables qui gagnent moins de 40 000 $. Voilà une intervention juste et raisonnable. Justin Trudeau, qu’on sait capable de dépenser, devra continuer de contrôler ses ardeurs. Et laisser la Banque du Canada faire son travail.

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