Il est difficile de voir de bons signaux pour l’environnement dans la formation du nouveau cabinet Legault annoncé jeudi.

La nomination de Pierre Fitzgibbon comme « superministre » de l’Économie et de l’Énergie soulève des doutes pour la transition énergétique. Elle laisse planer le spectre que notre précieuse électricité soit utilisée comme appât auprès d’entreprises étrangères plutôt que de servir à décarboner notre économie.

La PDG d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, a émis des craintes sans équivoque à ce sujet, menaçant de démissionner si le Québec devenait le « Dollarama » de l’électricité en bradant son énergie.

La reconduction de Benoit Charette à la tête du ministère de l’Environnement n’est pas plus réjouissante. L’environnement a été l’un des gros points faibles du gouvernement Legault. Confier le ministère au même capitaine envoie le message que le gouvernement n’en prend pas acte et qu’il compte poursuivre dans la même voie.

Il y a évidemment ce « comité sur la transition énergétique et l’économie » que présidera François Legault lui-même. Il réunira les ministres de l’Économie et de l’Énergie, des Finances, de l’Environnement et des Relations avec les Premières Nations et les Inuits. La PDG d’Hydro-Québec y siégera aussi.

De toute évidence, M. Legault a voulu tendre la main à Mme Brochu. Il faut s’en réjouir et souhaiter que ce nouveau comité fonctionne.

Mais ne soyons pas naïfs : remettre le Québec sur la voie de l’atteinte de ses cibles climatiques exigera infiniment plus qu’un tel comité.

On attend toujours un plan complet avec des cibles par secteurs qui nous conduit à nos objectifs. Le plan actuel n’a identifié que la moitié des mesures nécessaires, et encore. On sait que plusieurs d’entre elles n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité.

On attend toujours, aussi, des mécanismes de suivi indépendants capables de mesurer les progrès et de proposer des façons de rectifier le tir.

Bref, on attend un changement complet de philosophie.

En théorie, réunir les ministères de l’Économie et de l’Énergie est une excellente idée pour piloter la transition énergétique. Le hic, c’est que le porteur de ballon n’a pas fait sa marque avec sa vision verte. Pierre Fitzgibbon s’est plutôt illustré en attirant chez nous des entreprises qui veulent bénéficier de notre électricité propre et bon marché.

Actuellement, ces entreprises se bousculent littéralement au portillon. Les demandes actuelles atteignent 15 000 mégawatts. C’est dix fois la puissance de tout le complexe de la Romaine !

Si notre électricité était infinie, on dirait : tant mieux. Sauf que c’est loin d’être le cas. Le Québec devra augmenter sa production électrique de 50 % d’ici 2050 pour effectuer sa propre transition énergétique. C’est gigantesque.

Nos mégawatts seront donc chèrement disputés au cours des prochaines décennies. Un choc des visions se fait déjà sentir.

Sophie Brochu a raison de dire qu’il faut se poser de grosses questions avant d’offrir des tarifs de 5 cents le kilowattheure à des entreprises quand on sait qu’il faut ensuite développer de nouveaux projets électriques qui nous coûtent au moins 11 cents le kilowattheure pour répondre à nos propres besoins.

Entre exportations, attraction d’entreprises et décarbonation, quel usage de notre électricité génère les plus grands bénéfices économiques et environnementaux ? C’est ce que devra évaluer le nouveau comité sur la transition énergétique présidé par M. Legault. On devine que les discussions seront difficiles.

Il faudra aussi qu’on réalise à Québec que la transition énergétique ne consiste pas à simplement tout électrifier et à continuer comme avant. L’atteinte d’une société faible en carbone nécessite de revoir nos façons de nous déplacer, de nous loger, de planifier l’occupation du territoire.

La CAQ n’a encore montré aucune volonté de piloter ces changements. Elle n’a rien fait par exemple contre la hausse fulgurante des véhicules énergivores sur nos routes, la principale cause d’augmentation des GES au Québec. Et les actions et les messages sur l’étalement urbain ont été, au mieux, contradictoires.

Nous espérons nous tromper. Mais en regardant le nouveau Conseil des ministres, il est difficile de voir d’où viendront les changements tant attendus. Des changements qui se font chaque année de plus en plus criants.

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