Le vapotage est en hausse « fulgurante » chez les jeunes Québécois depuis 10 ans, nous apprend cette semaine l’Institut national de la santé publique du Québec.

Si bien que près d’un ado sur cinq vapote désormais dans la province. Du lot, 37 % le font quotidiennement.

Pour convaincre le ministre de la Santé Christian Dubé de l’urgence d’intervenir, permettez-nous de citer… M. Dubé lui-même.

En décembre 2020, le ministre affirmait dans un communiqué de presse qu’il était « impératif d’agir afin d’éviter qu’une nouvelle génération devienne dépendante de la nicotine à cause de ces produits ».

M. Dubé y affirmait vouloir « s’attaquer rapidement à certaines mesures en particulier ». Tout en haut de sa liste : interdire les saveurs et arômes qui rendent ces produits attrayants pour les jeunes.

Lisez le communiqué en question

Deux ans plus tard, les arômes, loin d’être interdits, se sont multipliés. Cappuccino, pina colada, « citron bleu glacé », rhum, pain d’épice, « vanille-poire », vin merlot : l’industrie rivalise d’imagination, offrant ses produits dans des emballages clinquants et colorés.

Pour les consommer, les stylos de vapotage, kits spéciaux, « UFO systèmes doubles capsules » et autres gadgets sont offerts, là encore avec des couleurs accrocheuses et des designs étudiés. Le tout accompagné de promotions du genre « achetez-en quatre et économisez 15 % ».

Qu’attend-on exactement pour faire le ménage dans ce cirque ?

En 2020, un groupe de travail spécial a été mis en place par Québec. Il a accouché d’un rapport contenant sept recommandations.

Parmi celles-ci : interdire les produits contenant des arômes autres que ceux du tabac. Limiter la concentration maximale de nicotine des produits du vapotage à 20 mg/ml. Instaurer des permis de vente pour ces produits. Diminuer la densité des points de vente autour des écoles. Adopter une taxe spécifique sur les produits du vapotage.

Ce sont ces recommandations que promettait d’appliquer rapidement M. Dubé. Depuis ? Rien. On dirait que Québec a échappé le rapport derrière un bureau et l’a oublié là.

Le fédéral, qui s’est longtemps traîné les pieds sur l’enjeu du vapotage, a fini par réagir en fixant une limite de nicotine de 20 mg/ml partout au pays. Une taxe fédérale est aussi en vigueur depuis le 1er octobre.

Cette taxe a été conçue pour laisser un espace de taxation aux provinces. Six d’entre elles ont instauré une taxe. Mais pas le Québec.

Ce laxisme se fait sur le dos de la santé des jeunes, victimes d’une industrie qui ne ménage aucun moyen pour les séduire.

On dira que le vapotage est moins dangereux que le tabagisme. C’est vrai. Ce sont les produits de combustion qui causent le cancer ainsi que les maladies pulmonaires et cardiovasculaires, pas la nicotine.

Il reste que le vapotage est loin d’être anodin. La nicotine crée une dépendance difficile à vaincre. Les données montrent d’ailleurs que 21 % des jeunes de 15 à 24 ans qui vapotent fument aussi des cigarettes traditionnelles.

On connaît aussi encore très mal les effets à long terme du vapotage — rappelons qu’il faut des décennies pour que les maladies du tabac se manifestent, et que le vapotage n’est répandu que depuis une dizaine d’années.

La cigarette électronique peut être un outil intéressant pour les fumeurs qui veulent cesser de fumer. Le réputé cardiologue Martin Juneau, par exemple, l’utilise avec succès auprès de ses patients.

Mais soyons sérieux. L’industrie vise clairement à recruter de nouveaux consommateurs parmi les adolescents et les jeunes adultes. Les données montrent que ça fonctionne drôlement bien. C’est cela qu’il faut encadrer d’urgence.

Au prix d’immenses efforts de santé publique, le Québec a réussi à faire chuter le taux de tabagisme de 40 % en 1985 à 18 % aujourd’hui. Il serait terriblement bête de laisser un autre fléau contrecarrer ces gains spectaculaires.

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