Depuis sa réélection, le gouvernement Trudeau conduit les finances publiques du Canada avec le NPD assis dans le siège passager. Mais avec l’arrivée de Pierre Poilievre à la tête du Parti conservateur, la ministre des Finances Chrystia Freeland tire le volant un peu plus à droite.

Ça se sent dans l’énoncé économique qu’elle a présenté, jeudi. Et c’est tant mieux.

Les libéraux, qui n’avaient jamais paru préoccupés par les déficits sans fin, viennent tout à coup de fixer une cible de retour à l’équilibre budgétaire pour la première fois depuis qu’ils dirigent le pays.

Il faudra être patient, car ce n’est qu’en 2027-2028 que le Canada sortira du rouge (en même temps que le Québec, d’ailleurs). D’accord, c’est loin. Ottawa a préféré se garder une bonne marge de manœuvre au lieu de réduire les déficits au plus vite. Mais au moins, il y a une vraie cible.

Cet ancrage budgétaire est particulièrement rassurant, alors que la récession gronde à l’horizon et que le vent risque de tourner très vite.

Pour l’instant, le gouvernement a encore le vent dans le dos grâce à l’inflation qui augmente ses revenus de taxes et d’impôts, notamment en raison de la performance du secteur des ressources naturelles. C’est ce qui fait que son déficit pour l’année en cours devrait être moins lourd que prévu lors du dernier budget, en avril.

Mais bientôt, Ottawa aura le vent de face. L’inflation fera grimper ses dépenses, avec des salaires plus élevés et des frais d’intérêts à la hausse. Parallèlement, ses revenus vont pâtir du ralentissement économique.

Lors du dernier budget, Ottawa prévoyait une croissance du PIB de 3,1 % en 2023. Aujourd’hui, ce n’est plus que 0,7 %. Or, ce chiffre est fondé sur les prévisions d’économistes du secteur privé réalisées il y a un mois. Et depuis, certains ont réduit leurs attentes à zéro.

Bref, la prochaine année ne sera pas rose.

On le sait, la Banque du Canada a fait grimper les taux d’intérêt de 350 points centésimaux pour calmer la demande et freiner l’inflation qui atteint un sommet en 40 ans. Dans ce contexte difficile, Chrystia Freeland a su résister à la tentation d’envoyer des cadeaux généralisés aux ménages, comme l’ont fait plusieurs provinces, y compris le Québec.

Cet argent ne ferait qu’ajouter de l’huile sur le feu que la Banque du Canada essaie d’éteindre. Une très mauvaise idée. Au Royaume-Uni, l’ancienne première ministre Liz Truss a voulu aller en sens contraire de sa banque centrale, en décrétant des baisses d’impôt. Elle n’a réussi qu’à détraquer les marchés financiers… et mener à sa propre éjection après seulement 45 jours de règne. Une vraie catastrophe.

Heureusement, on est loin de ça au Canada.

Vrai, notre niveau d’endettement fait l’envie des autres pays du G7. Vrai, notre ratio dette/PIB devrait diminuer d’un sommet pandémique de 45 % jusqu’à 37 % en 2027-2028. Néanmoins, cela restera encore largement au-dessus du niveau de 31 % avant que la COVID-19 nous frappe.

La ministre des Finances a donc été bien avisée d’offrir seulement une aide ciblée aux travailleurs au bas de l’échelle et aux étudiants. C’est la voie à suivre puisque les moins nantis encaissent la hausse du coût de la vie beaucoup plus durement, eux qui ne peuvent pas couper dans le gras.

Chrystia Freeland s’est aussi engagée à limiter les frais imposés par les émetteurs de cartes de crédit aux petits commerçants. Alléluia ! Depuis le temps qu’on dénonce cette pratique malsaine.

Cette mesure qui a le mérite de ne pas coûter un cent aux coffres de l’État enlèvera de la pression sur les prix à la consommation, ce qui permettra de lutter par la bande contre l’inflation.

Que demander de plus ? Qu’on l’applique au plus vite !

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