Vous avez peut-être sursauté, l’été dernier, lorsqu’un enfant de 12 ans a voulu emballer votre épicerie ou qu’une gamine a pris votre commande au restaurant. Vous vous êtes peut-être dit : « Ah oui, la pénurie de main-d’œuvre… »

Au Québec, contrairement à l’Ontario (14 ans) et à la Colombie-Britannique (16 ans), il n’y a pas d’âge minimum pour travailler. Un jeune de 11 ou 12 ans peut occuper un emploi salarié s’il a la permission de ses parents. Il n’y a pas non plus de limites au nombre d’heures qu’un jeune peut travailler au cours d’une semaine. Seule condition : un jeune de 16 ans ne peut travailler durant les heures de classe ou après 23 h.

Or, le travail des enfants et des adolescents n’est pas quelque chose d’anodin, comme l’a illustré le reportage publié dans notre numéro de lundi.

Lisez « Décrocher pour travailler »

Il a des conséquences néfastes sur la sécurité des jeunes et sur la persévérance scolaire. C’est pourquoi, dans son second mandat, le ministre du Travail, Jean Boulet, doit absolument l’encadrer.

On sait que le travail peut avoir des effets positifs sur l’estime de soi. La relation avec une figure d’autorité autre que parentale peut également être bénéfique pour les jeunes. Mais au-delà d’un certain nombre d’heures travaillées, ces bienfaits s’envolent en fumée. La liste des impacts négatifs, elle, s’allonge.

À commencer par les conséquences sur le parcours scolaire.

Or, les jeunes sont de plus en plus nombreux à travailler. Les données les plus récentes⁠1, qui remontent aux années 2016-2017, montrent que plus de la moitié des élèves du secondaire occupaient un emploi durant l’année scolaire.

On peut croire sans grand risque de se tromper que la proportion de jeunes qui travaillent a augmenté au cours des dernières années. C’est en tous les cas ce que semble indiquer l’augmentation du nombre d’accidents de travail chez les moins de 16 ans, qui a grimpé à 36 % en 2021.

Les experts s’entendent pour dire que plus un jeune travaille, plus il court le risque de décrocher. Ce risque est de 31 % pour un jeune qui travaille plus de 16 heures par semaine et de 14 % s’il travaille moins de 11 heures. C’est toute une différence qui milite en faveur de l’imposition d’une limite aux heures travaillées.

Selon une étude de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail, la pauvreté de la famille, la faible valorisation des études de la part des parents et l’absence de motivation à étudier expliqueraient, en partie, l’attrait du marché du travail pour les jeunes.

Il nous manque de données récentes pour brosser un portrait plus précis du phénomène. L’Institut de la statistique du Québec travaille à la mise à jour de son Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire qui permettra de prendre en compte deux facteurs absents lors de la dernière enquête : la pénurie de main-d’œuvre et l’inflation. On attend également les nouvelles statistiques concernant le décrochage. Les plus récentes provenant du ministère de l’Éducation (2019-2020) indiquent un taux de décrochage de 13,5 % pour l’ensemble des élèves du secondaire du Québec.

D’ici là, on peut déjà sensibiliser les parents et les employeurs aux enjeux reliés au travail des jeunes. Est-ce normal qu’un jeune de 12 ou 13 ans travaille plusieurs heures par semaine alors qu’il sort à peine de l’enfance et qu’il commence son secondaire ? La pénurie de main-d’œuvre ne justifie pas tout.

Il faut mieux identifier les jeunes susceptibles de décrocher et leur offrir un accompagnement pédagogique et une formation adéquate, surtout quand le soutien est absent à la maison. « L’éducation est le plus grand levier d’épanouissement personnel et collectif », a déclaré le premier ministre François Legault mercredi lors de son discours d’ouverture.

La dernière chose dont le Québec a besoin, c’est une vague de jeunes décrocheurs qui viendront grossir les rangs d’une main-d’œuvre sous-qualifiée.

1. Consultez les données de l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire de 2016-2017, Institut de la statistique du Québec Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion