Approchez, mesdames et messieurs. Approchez vite et prenez place : le cirque commence à l’instant ! Les projecteurs sont braqués sur Donald Trump, dans le rôle du clown persécuté, tandis que la démocratie américaine joue à l’équilibriste.

Triste spectacle, en vérité.

Tout autre que Trump aurait mis fin à sa carrière politique en recevant 34 chefs d’accusation criminelle, une première pour un président américain. Mais Trump, lui, carbure aux scandales depuis toujours.

« Grab ’em by the pussy » ? Pas de soucis. Les électeurs ont voté pour lui en 2016, malgré cet odieux enregistrement où il se vantait de pouvoir agresser les femmes.

Aujourd’hui, c’est une autre histoire de mœurs qui le rattrape. Il aurait versé 130 000 $ US à l’actrice porno Stormy Daniels pour qu’elle taise leur relation sexuelle, un paiement qui serait associé à une contribution électorale illégale.

Trump nie tout. Mais en bon roi du divertissement, il a annoncé lui-même qu’il serait arrêté, il y a quelques jours, en prenant soin de se placer dans la posture du martyr pour déchaîner la colère de ses partisans.

De retour à sa résidence floridienne de Mar-a-Lago, il a transformé son inculpation en combat politique tous azimuts. Renversant les canons, il a déclaré que le seul crime qu’il ait commis a été de défendre la « nation contre ceux qui cherchent à la détruire ».

La passionaria de l’extrême droite qui a un œil sur une éventuelle vice-présidence, Marjorie Taylor Green, y est même allée d’une comparaison abracadabrante entre Trump et d’autres « personnes incroyables qui ont été arrêtées dans l’Histoire » comme Nelson Mandela et Jésus-Christ.

Trump et Jésus dans le même bateau, faut le faire !

Mais crier à la vendetta politique est payant. L’équipe de Donald Trump affirme avoir récolté 7 millions de dollars américains depuis l’annonce de son inculpation. Et l’ancien président a considérablement élargi son avance dans les sondages, avec 57 % des intentions de vote contre 31 % pour son rival à l’investiture républicaine Ron DeSantis, qui semblait pourtant en bonne posture après les piètres résultats des trumpistes aux élections de mi-mandat.

Manifestement, l’inculpation a renforcé la marque Trump. Pour lui, c’est gagnant-gagnant. S’il est innocenté, il clamera qu’il avait raison. S’il est condamné, il continuera de crier à la persécution politique en disant que son procès donne aux États-Unis des airs de « république de bananes ».

Pourtant, il ne manque pas d’exemples de chefs d’État partout dans le monde qui se sont fait épingler par la justice. L’ancien président français Nicolas Sarkozy a été reconnu coupable de corruption et de trafic d’influence et l’ancien président italien Silvio Berlusconi, de fraude fiscale.

Loin de faire la preuve que la France et l’Italie sont des républiques de bananes, cela confirme plutôt que nul n’est au-dessus des lois, pas même un président. Pas même Donald Trump qui ne pourra pas plaider éternellement la persécution politique.

D’autres procès lui pendent au bout du nez, notamment pour avoir tenté de renverser le résultat du scrutin présidentiel en Géorgie. Incapable d’avaler sa défaite en 2020, Trump a menacé le responsable des élections de cet État clé pour qu’il lui « trouve 11 780 votes ».

Ce cas est beaucoup plus grave que l’affaire Stormy Daniels. Mais il est aussi beaucoup plus clair, puisque la conversation a été enregistrée. En outre, l’interlocuteur était républicain, si bien que Trump ne peut pas jouer à la victime.

N’empêche, il continue son cirque, en bombardant les institutions de son pays. Le processus électoral ? Truqué ! Les médias ? Fake news ! Les élites ? Deep State ! Les tribunaux ? Biaisés !

Avec sa stratégie de la terre brûlée, il met les contre-pouvoirs au plancher. Son refus de jouer selon les règles du jeu a mené jusqu’à l’assaut du Capitole, le symbole même de la démocratie américaine. Une démocratie qui s’effrite, alors que les dictatures étrangères n’ont jamais été aussi menaçantes depuis la fin de la guerre froide.

Le rôle de pyromane que Donald Trump a joué dans cet assaut devrait le discréditer pour une nouvelle présidence.

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