Le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, doit croiser les doigts pour que l’histoire se répète.

Remontons au printemps 2011. Ça regimbe au caucus du Parti québécois (PQ). La veille, les députés ont appris à la radio que leur cheffe Pauline Marois déposerait un projet de loi privé pour mettre à l’abri des poursuites judiciaires l’entente que la Ville de Québec a conclue avec Québecor pour la gestion de l’amphithéâtre de Québec.

Tant sur le fond que sur la forme, cette manœuvre de Pauline Marois, alors dans l’opposition, est hautement critiquable. Elle créera un schisme au sein du PQ qui s’est soldé par la démission de Louise Beaudoin, Pierre Curzi et Lisette Lapointe, trois députés-vedettes de la grande région de Montréal, ainsi que par le départ de Jean-Martin Aussant, qui fondera Option nationale.

Douze ans plus tard, la Coalition avenir Québec (CAQ) a vécu le même genre de caucus houleux, mardi matin, à cause de l’abandon de sa promesse mal avisée de construire un troisième lien routier entre Québec et Lévis.

Comme à l’époque, il s’agit d’un enjeu qui cause des flammèches entre Montréal et Québec. Comme à l’époque, le chef a mis le feu aux poudres en plaçant ses députés devant le fait accompli.

Pour la première fois, on a senti que le ciment de la coalition caquiste s’effritait, même si les députés sont sortis de la réunion en assurant que ce n’était qu’une « chicane de famille ».

Pour l’instant, rien ne porte à croire qu’il y aura des démissions, même si Éric Duhaime fait circuler une pétition réclamant le départ d’Éric Caire, puisqu’il avait promis de s’en aller si le troisième lien avortait. Il avait beau parler haut et fort, on a aujourd’hui la preuve que sa parole vaut bien peu de choses.

Comble de l’ironie, Éric Caire lui-même a déjà déposé un projet de loi pour que les électeurs puissent destituer un député qui ne respecte pas ses promesses. Nous n’avons pas besoin de ce genre de bûcher populaire au Québec. Celui qu’on surnommait le « shérif de La Peltrie » se retrouvera tout simplement dans la ligne de mire de ses électeurs aux prochaines élections.

Mais Éric Caire n’est pas le seul à avoir prôné la révocation d’un député par ses citoyens. C’était une des dix mesures que Bernard Drainville, comme ancien député péquiste, avait mises de l’avant pour restaurer la démocratie dans la foulée de la vague de démissions au PQ.

Lui qui avait eu le cran de voter contre le projet de loi sur l’amphithéâtre de Québec plaidait pour un « assouplissement considérable » de la ligne de parti. Il y voyait une façon de réparer le lien de confiance rompu entre le citoyen et le monde politique.

Mais pour revenir en politique, sous la bannière caquiste, Bernard Drainville n’a pas hésité à rentrer dans le rang. Il a fait une profession de foi pour le troisième lien, tout comme Martine Biron, eux qui avaient pourtant critiqué le projet en ondes. Et voilà qu’ils changent à nouveau leur fusil d’épaule pour suivre la ligne de parti !

La confiance est brisée, comme le disait Bernard Drainville.

Un parti politique n’est pas un McDonald’s où tous les franchisés doivent servir la même recette, peu importe les sensibilités régionales. Les députés devraient avoir une certaine autonomie. Après tout, ils sont là pour représenter la population au sein de leur parti, pas pour représenter leur parti auprès de la population.

S’il veut garder sa coalition unie, François Legault devra trouver le moyen de faire sortir la vapeur. Mais pas en achetant la paix à coup de millions, pas en « compensant » la région de Québec, comme l’a suggéré Martine Biron.

Soyons clairs : le troisième lien était une erreur, une promesse faite sur le coin d’une table, sans la moindre analyse des besoins, sans la moindre estimation des coûts, malgré les 325 millions accordés pour le bureau de projet.

La CAQ doit maintenant payer le coût politique de cette promesse en l’air.

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