Convenons tout de suite d’une chose : nos élus méritent d’être mieux payés.

À l’heure actuelle, un sous-ministre a un salaire plus élevé que le ministre pour lequel il travaille. Et un attaché politique gagne davantage que le député dont il est le bras droit.

C’est le signe que quelque chose ne tourne pas rond quand un employé gagne plus que son patron, n’est-ce pas ?

Alors oui, il est temps de revoir la rémunération des membres de l’Assemblée nationale, comme la Coalition avenir Québec (CAQ) s’apprête à le faire avec le dépôt d’un projet de loi, jeudi.

Mais encore faut-il le faire comme il faut. Pas en brûlant les étapes. Pas en gardant uniquement les ingrédients qui nous plaisent dans la recette.

Rarement a-t-on vu un dossier avancer aussi rapidement sur la colline Parlementaire.

Février : un comité consultatif indépendant est mandaté.

Avril : il présente son rapport.

Mai : le projet de loi est déposé, le dernier jour permettant une adoption avant la fin de la session en juin, réduisant au maximum la durée des débats sur ce sujet tabou.

Dans ce processus accéléré, le comité s’est inspiré de l’excellent rapport préparé il y a 10 ans par l’ancienne juge de la Cour suprême Claire L’Heureux-Dubé.

À l’époque, elle avait pris soin de dire que ses recommandations formaient un « tout cohérent » et qu’il serait « inapproprié d’en choisir que certains éléments ».

Or, c’est exactement ce qui se passe aujourd’hui.

D’une part, le comité recommande d’augmenter le salaire annuel des députés de 139 745 $ à 169 950 $1 pour qu’il soit comparable avec celui des premiers dirigeants et des vice-présidents de la fonction publique. Soit. Cela suit l’approche du rapport L’Heureux-Dubé.

Mais d’autre part, le comité ne dit pas un mot sur les éléments de la rémunération des députés que le rapport suggérait de réduire, à commencer par le généreux régime de retraite.

Celui-ci permet d’accumuler un crédit de rente de 4 % du salaire, chaque année. Cela signifie qu’après 25 ans de service, un député peut recevoir une rente équivalente à 100 % de son salaire. Le tout payable dès 60 ans, sans pénalité.

Demandez à un actuaire et il vous dira qu’il en coûte environ 90 000 $ par année pour financer la promesse de rente d’un parlementaire de 50 ans gagnant 169 000 $.

Cette facture salée, c’est la face cachée du salaire des députés.

On est loin, très loin, des conditions des fonctionnaires qui accumulent un crédit de rente de 2 %, le niveau préconisé pour les élus dans le rapport L’Heureux-Dubé. Voilà qui serait plus équitable, dans un contexte où la vaste majorité des Québécois n’ont plus accès à un régime avec une rente garantie.

Certains diront que la générosité du régime de retraite compense le fait que les députés mettent en veilleuse leur carrière, sans assurance de retrouver un poste équivalent après avoir quitté la vie politique.

Mais n’oublions pas qu’ils ont droit à une allocation de transition (deux mois de salaire par année de service) lorsqu’ils perdent leurs élections.

En fait, le comité n’a analysé que le salaire des députés. Pas leur rémunération globale. Erreur. Mais c’était le mandat que lui avait donné le Bureau de l’Assemblée nationale, composé d’élus. Un mandat tronqué qui met en doute la crédibilité et l’indépendance de l’exercice.

Répétons-le : les élus méritent d’être bien rémunérés. Pivot de notre démocratie, ils ont un impact marquant sur la société. Et leur vie n’est pas facile, toujours dans l’œil de la critique, toujours en déplacement, ce qui exige des sacrifices familiaux.

Mais leur rémunération doit être examinée dans son ensemble, sans œillères. En tenant compte de leur salaire… et de sa face cachée.

Note: Une version précédente de ce texte indiquait que les députés avaient droit à l’allocation de transition en cas de démission, ce qui n’est plus le cas.

1. Ce montant inclut l’allocation de dépenses, mais pas l’allocation de déplacement (9900 $ à 24 600 $, selon la circonscription), le remboursement des frais de logement à Québec (jusqu’à 17 800 $) et le remboursement des frais de déplacement (sur justificatif).

Indemnités annuelles des députés

  • 194 600 $ à la Chambre des communes
  • 120 936 $ en Alberta
  • 116 500 $ en Ontario
  • 115 046 $ en Colombie-Britannique

Source : Comité consultatif indépendant

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