On dirait le deuxième opus d’un film d’horreur dans lequel le méchant revient hanter les protagonistes dans un nouveau décor. Genre Chucky II ou La revanche de Freddy.

Radio-Canada nous apprenait la semaine dernière que le recours aux agences de placement privées était de plus en plus courant dans le réseau des centres de la petite enfance (CPE)1.

Ces agences font miroiter de meilleurs salaires et des conditions plus souples aux éducatrices, aides-éducatrices et cuisiniers.

Certains employés succombent aux chants des sirènes et font le saut vers ces agences. On ne leur reprochera évidemment pas de vouloir améliorer leurs conditions de travail.

Sauf que cela devrait déclencher des signaux d’alarme. Ce scénario, on le connaît malheureusement trop bien. On l’a laissé se déployer dans le système de santé avec des conséquences extrêmement néfastes.

En théorie, les agences de placement peuvent s’avérer utiles en fournissant du personnel pour boucher les trous qui surviennent quand des employés tombent malades ou sont en nombre insuffisant.

Un hôpital ne peut fonctionner sans infirmières ni préposées aux bénéficiaires, pas plus qu’un groupe de tout-petits peut se gérer seul sans éducatrice.

Les problèmes surviennent quand ces agences font miroiter de meilleures conditions de travail que celles qui prévalent dans le réseau public et attirent des employés chez elles.

Ces départs du réseau public augmentent le nombre de trous à boucher, renforçant la dépendance envers les agences. Les employés qui restent se retrouvent surchargés, en plus de devoir superviser les remplaçants parachutés par les agences dans des milieux qu’ils ne connaissent pas.

Cela augmente le mécontentement des employés du public… qui sont encore plus nombreux à migrer vers les agences.

Une fois le cercle vicieux installé, il est extrêmement difficile à briser.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a accouché d’un plan complet, à déployer sur trois ans, pour sevrer le système de santé des agences de placement.

On serait fou de laisser le même problème s’installer dans nos CPE sans réagir.

C’est d’autant plus vrai qu’on parle ici de tout-petits qui doivent créer un lien d’attachement avec leur éducatrice. Faire défiler des éducatrices interchangeables devant eux met en jeu leur développement.

Si le recours accru aux agences est préoccupant, il varie toutefois grandement selon les régions. En creusant, on y trouve des pistes de solution.

Dans la région de Québec, par exemple, on nous dit que le recours aux agences privées à but lucratif est beaucoup moins répandu qu’à Montréal et à Laval.

Pourquoi ? En grande partie parce qu’il existe un regroupement de CPE qui possède sa propre banque de remplaçants.

En pleine pénurie de main-d’œuvre, ce regroupement approche activement des étudiants ou des semi-retraités, par exemple, pour combler les absences dans la centaine de CPE qu’il représente.

Le service de remplacement est sans but lucratif et les employés envoyés dans les CPE sont payés aux mêmes conditions que le personnel régulier. Et comme le regroupement de CPE n’a aucun intérêt à tirer dans son propre but, il ne tente pas de débaucher les employés du réseau.

Des regroupements de CPE gèrent aussi de telles banques de remplacement en Montérégie et dans les Cantons-de-l’Est.

Malheureusement, au milieu des années 2010, le gouvernement Couillard a coupé les vivres à ces regroupements, qui ont disparu de plusieurs régions.

On mesure aujourd’hui les conséquences de ces économies de bouts de chandelle – à peine 2 millions de dollars à l’échelle de la province.

Au cabinet de la ministre de la Famille, Suzanne Roy, on nous dit que de telles banques de remplacement « sont un modèle qui semble fonctionner et qui sera étudié si le phénomène vient à prendre de l’ampleur ».

On aimerait toutefois sentir un sentiment d’urgence plus vif à Québec. Reformer des regroupements de CPE et monter des banques de remplacement dans plusieurs régions ne se fera pas en criant ciseau.

L’idée n’est pas de paniquer, mais l’exemple du système de santé montre qu’il ne faut pas attendre que la dépendance aux agences soit trop forte pour agir. Une solution éprouvée existe. Qu’attend-on pour l’étendre à tout le réseau ?

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