« Ça fait longtemps que les solutions sont là, que c’est en discussion. […] Ce que ça prend, c’est de la volonté politique. »

Qui parlait ainsi de la voie Camillien-Houde, qui n’est pas un modèle de sécurité pour les cyclistes ?

Valérie Plante.

La cheffe de Projet Montréal critiquait l’inaction de l’administration Coderre en octobre 2017, au lendemain de la mort de Clément Ouimet sur la voie Camillien-Houde sur le mont Royal1. Le cycliste de 18 ans a été tué en descendant la voie parce qu’un véhicule a fait un demi-tour illégal devant lui.

Cinq ans et huit mois plus tard, l’administration Plante n’a toujours pas réglé de façon définitive les enjeux de sécurité sur la voie Camillien-Houde.

À l’été 2018, Montréal a pourtant fait un projet pilote prometteur où la circulation automobile a été réduite de 80 % en semaine. On est passé de 10 000 à 2000 autos par jour en semaine. Montréal a ensuite tenu une consultation publique, et des automobilistes ont manifesté leur grogne. L’administration Plante a reculé. Elle étudie la question depuis.

Au moins, la Ville a installé des murets de béton sur une partie de la voie, puis des bollards en haut de la voie à la hauteur du belvédère. Mais les accotements restent étroits et la cohabitation auto-vélo est tout sauf optimale.

Le 8 juin dernier en fin d’après-midi, un autre accident d’auto aurait pu être fatal pour un cycliste. Une auto a heurté le muret qui sépare les deux directions de la voie Camillien-Houde, avant de s’échouer à l’envers près des arbres en bordure de la route. Heureusement, aucun cycliste ne descendait Camillien-Houde à ce moment-là. Par contre, un cycliste faisait l’ascension dans l’autre direction.2 Sans muret, la voiture aurait pu le heurter violemment.

On l’a échappé belle le 8 juin, mais on ne peut pas croiser les doigts éternellement.

L’administration Plante dévoilera cet automne son plan pour la voie Camillien-Houde et le chemin Remembrance. Elle étudie encore plusieurs scénarios. Mais les documents budgétaires de la Ville sont clairs : on réduira « l’espace dédié aux déplacements en automobile ».

On souhaite que ce plan respecte quatre principes :

1) le mont Royal n’est pas une autoroute ;

2) la sécurité des cyclistes est primordiale et doit être améliorée ;

3) on doit améliorer le transport collectif ;

4) il est irréaliste et contre-productif d’interdire complètement les autos.

La décision de l’administration Plante, qui a fait beaucoup pour le vélo à Montréal depuis son élection mais qui s’est traîné les pieds dans le dossier de Camillien-Houde, ne pourra plaire à tout le monde.

Notre vision : le mont Royal est le plus grand parc de Montréal, et les voitures ne devraient pas s’y entasser aux heures de pointe. D’accord pour que les automobilistes puissent se rendre sur le mont Royal profiter de notre belle montagne. Mais on doit mettre fin au trafic causé par les voitures qui ne font que traverser le mont Royal pour gagner du temps.

C’était l’idée du projet pilote de 2018, qui interdisait le « trafic de transit ». On pouvait accéder au lac des Castors par Remembrance, on pouvait accéder au belvédère et à la Maison Smith par Camillien-Houde, mais on ne pouvait pas traverser le parc en auto. Seule exception : les autobus et les visiteurs du cimetière. Sinon, vous aviez une amende salée. On devrait s’inspirer fortement de cette solution.

Ce n’est pas d’hier qu’on discute de réduire la place des autos sur le mont Royal. En 1990, le Bureau de consultation de Montréal avait recommandé d’empêcher les autos de traverser le mont Royal, comme pour le projet pilote de 2018.

On n’est pas les seuls à faire cette réflexion : à New York, les voitures ne traversent plus Central Park depuis 2018. Certains New-Yorkais ont dû changer leurs habitudes, mais leur vie ne s’est pas écroulée.

Moins d’autos améliore la sécurité des cyclistes. Mais ça n’élargit pas la voie. Il n’y a pas assez d’espace physique pour deux voies cyclables (montée et descente) et deux voies routières. Vélo-Québec a une suggestion intéressante : une voie séparée pour les vélos et une voie pour les autos en montant (ils roulent à des vitesses différentes), et une seule voie pour les vélos et les autos en descendant (ils roulent à la même vitesse).

La Valérie Plante de 2017 a raison : il faudra de la « volonté politique » pour cesser de faire du mont Royal une autoroute urbaine.

Ce n’est pas normal que le plus grand parc de Montréal soit plus achalandé que plusieurs autoroutes du Québec.

1. Lisez un article de La Presse paru en 2017 2. Lisez un article de La Presse paru la semaine dernière
En savoir plus
  • 10 000
    Nombre d’autos passant quotidiennement sur l’axe Camillien-Houde-Remembrance sur le mont Royal, selon les estimations pour l’année 2017
    Source : Office de consultation publique de Montréal
  • 7300
    Nombre d’autos passant quotidiennement sur l’autoroute 138 à Saint-Baie-Paul en 2022
    Source : ministère des Transports du Québec
  • 9500
    Nombre d’autos passant quotidiennement sur l’autoroute 55 entre Drummondville et Sherbrooke, à la hauteur de Richmond, en 2022
    Source : ministère des Transports du Québec
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