Justin Trudeau a procédé mercredi à un remaniement ministériel majeur.

Sur les 15 ministères fédéraux les plus importants, 10 ont un nouveau ministre1. C’est beaucoup.

Justin Trudeau constate visiblement la même chose que tout le monde : son gouvernement prend de l’âge (il aura huit ans à l’automne), est moins populaire que les conservateurs dans les sondages (31 % contre 35 %, selon l’agrégateur de sondages 338Canada), et a davantage de difficultés à s’illustrer.

La solution facile pour relancer son gouvernement : un gros jeu de chaises musicales de ministres.

N’empêche, dans le grand ordre des choses, ce remaniement majeur reste un évènement… relativement mineur.

La plupart des principaux ténors du gouvernement restent en poste (Chrystia Freeland aux Finances, Mélanie Joly aux Affaires étrangères, François-Philippe Champagne à l’Industrie, Steven Guilbeault à l’Environnement). Les grandes orientations du gouvernement ne changent pas. Les enjeux économiques majeurs auxquels il est confronté non plus.

Voici six choses qui n’ont pas changé mercredi malgré la cérémonie à Rideau Hall :

1) L’inflation

Cet enjeu a beau préoccuper les Canadiens, et le gouvernement Trudeau ne peut pas faire grand-chose en pratique. Lutter contre l’inflation, c’est le travail ingrat de la Banque du Canada. D’un côté, Justin Trudeau a résisté à la tentation d’envoyer des chèques à tous les citoyens et a concentré son aide sur les moins nantis. De l’autre, la nature dépensière de son gouvernement n’aide pas à combattre l’inflation (même si c’est un facteur très mineur de l’inflation actuelle). Justin Trudeau a peu de contrôle sur l’inflation, mais ça ne l’empêche pas d’en prendre une partie du blâme politiquement.

2) Pas de retour à l’équilibre budgétaire

On n’a rien contre un gouvernement très interventionniste quand il le faut. Mais ça n’a pas de bon sens qu’Ottawa n’ait toujours pas de plan de retour à l’équilibre budgétaire quand l’économie canadienne va bien et qu’on n’a pas connu de récession durant les années Trudeau. Ottawa prévoit un déficit de 40 milliards (1,4 % du PIB) en 2023-24 et de 14 milliards (0,4 % du PIB) en 2027-28.

3) Sa tendance dépensière

Si le fédéral a un déficit aussi élevé, c’est parce que le gouvernement Trudeau est trop dépensier. Dans son dernier budget, Ottawa a annoncé 43 milliards sur cinq ans en nouvelles dépenses. Beaucoup de Canadiens aimeraient un gouvernement fédéral qui dépense un peu moins, sans tomber dans l’austérité ou les coupes budgétaires.

4) L’efficacité des services fédéraux

Certains feux (la crise des passeports, par exemple) ont été éteints. Mais le fédéral est rarement un exemple en matière de qualité des services gouvernementaux offerts aux citoyens. Pensons entre autres aux retards dans les demandes d’immigration et de visas. D’autres programmes (les soins dentaires, par exemple) sont mal balisés2.

5) L’ingérence étrangère

Il faut une vraie commission d’enquête indépendante et publique sur les troublantes allégations d’ingérence de la Chine dans la démocratie canadienne. En juin, les libéraux négociaient avec les partis d’opposition, mais il n’y a toujours pas d’entente. Entendez-vous, on a déjà perdu assez de temps comme ça.

6) La crise du logement

Avec la nomination d’un nouveau ministre du Logement, Ottawa veut visiblement être plus présent dans ce dossier. En pleine crise du logement, toute aide supplémentaire sera la bienvenue. Difficile toutefois d’avoir des résultats à court terme. D’autant plus que la plupart des programmes de logement social et abordable sont gérés par Québec depuis la fin des années 90 (à l’époque, Ottawa s’était retiré du financement du logement social).

Sans être parfait, le gouvernement Trudeau fait généralement du bon travail dans beaucoup de dossiers importants. Contrairement aux conservateurs, il a un plan crédible (mais qui pourrait être amélioré) pour lutter contre les changements climatiques. Il veut stimuler les investissements dans l’économie verte. Il se démène pour protéger notre industrie culturelle face aux GAFAM. Il fait du bon travail en matière de politique étrangère. Il a des politiques progressistes qui correspondent aux aspirations de beaucoup de Québécois.

Il a aussi des lacunes. Celles-ci peuvent être corrigées par de véritables remises en question sur le fond des enjeux. Pas par un remaniement ministériel.

1. Il s’agit de notre propre liste bien subjective des 15 ministères les plus importants. Parmi ces 15 ministères, 5 n’ont pas changé de ministre (Finances, Affaires étrangères, Industrie, Environnement, Ressources naturelles) et 10 ont changé de ministre (Transports, Défense, Conseil du trésor, Patrimoine, Sécurité publique, Immigration, Logement et Infrastructure, Justice, Relations Couronne-Autochtones, Services publics et Approvisionnement).

2. Lisez l’éditorial « Des balises pour les soins dentaires, vite ! » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion