Il n’en faut pas beaucoup pour faire surgir l’intolérance. Une simple photo peut faire rompre les digues, et les flots de l’homophobie se déferlent sur les réseaux sociaux.

Dimanche dernier, le premier ministre Justin Trudeau a publié une photo sur laquelle on le voit accompagné de son aîné, Xavier. Père et fils sont vêtus de chandails dans les teintes de rose. On peut y lire « On est dans l’équipe Barbie », une référence au succès du box-office que le duo vient vraisemblablement de visionner.

Vingt-quatre heures plus tard, on comptait plus de 22 000 commentaires sur X (anciennement Twitter) à la suite de la photo. Un très grand nombre d’entre eux étaient agressifs ou à caractère homophobe. Jusqu’à l’animateur britannique Piers Morgan qui, de l’autre côté de l’Atlantique, s’est senti obligé d’ajouter son grain de sel, se disant « content de ne pas être Canadien »… Des internautes ne se sont pas gênés pour faire un lien avec la séparation récente du premier ministre et de Sophie Grégoire. D’autres laissaient même entendre que M. Trudeau était en compagnie de sa nouvelle flamme ! Bref, ça ne volait pas haut et ça frôlait parfois le fond du baril.

Aux commentaires homophobes se sont ajoutés des commentaires agressifs qui faisaient écho aux réactions de la communauté des incels au film Barbie. Rappelons que les incels sont ces jeunes hommes célibataires à la masculinité fragile qui se sentent persécutés par les féministes qu’ils rendent responsables de leur célibat. Disons qu’ils n’ont vraiment pas apprécié le film Barbie qu’ils attaquent sur les différentes plateformes en publiant des critiques négatives.

Cette vague de propos agressifs fait écho à ce qu’observent les experts depuis quelques années : une radicalisation du discours à l’endroit des minorités sexuelles. Cela nous rappelle à quel point les acquis des gens issus de la diversité sexuelle sont fragiles, et qu’il faut continuer de les défendre.

Quand on parle de la communauté LGBTQ au Canada, on parle d’environ un million de personnes, soit 4 % de la population de 15 ans et plus. De ce nombre, plus de la moitié (59 %) ont été agressés physiquement ou sexuellement « au moins » une fois depuis l’âge de 15 ans, selon l’Enquête sur la sécurité dans les espaces publics et privés (ESEPP) publiée en 2018. Chez les hétérosexuels, la proportion tourne autour de 37 %.

Consultez l’Enquête sur la sécurité dans les espaces publics et privés

Les minorités sexuelles sont également surreprésentées dans les statistiques de harcèlement de rue. Pas surprenant que plus du tiers (32 %) estiment que leur santé mentale est mauvaise, voire passable. Près de la moitié (41 %) ont reçu un diagnostic de trouble de l’humeur ou d’anxiété (contre 16 % chez les hétérosexuels). C’est d’autant plus préoccupant qu’ils sont plus susceptibles d’avoir songé au suicide (40 % par rapport à 15 %).

On serait porté à croire que les mentalités ont évolué, mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. Et encore, le Canada est un des pays au monde où les droits des minorités sexuelles sont les mieux protégés !

C’est d’ailleurs sous le règne du père de Justin Trudeau, Pierre Elliott, alors premier ministre, que l’homosexualité a été décriminalisée, en 1969. Puis en 1977, le Québec était la première province au pays à inclure dans sa charte des droits de la personne l’orientation sexuelle comme motif de discrimination. Mais tout le monde n’évolue pas à la même vitesse.

En cette semaine du festival Fierté Montréal qui se déroule jusqu’à dimanche prochain, il faut se rappeler qu’il y a encore du chemin à parcourir dans la lutte contre la discrimination. Les commentaires inacceptables à propos de la photo des Trudeau père et fils sont un appel à la vigilance : ceux qui croient qu’il n’est plus nécessaire de parler de la diversité sexuelle, de faire de la sensibilisation dans les écoles et de promouvoir le respect de la différence se trompent. Les préjugés ont la couenne dure, l’ignorance aussi. Et il n’y aura jamais trop d’alliés pour accompagner et soutenir la communauté LGBTQ dans sa lutte pour l’égalité.

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