Après avoir compulsé les résultats de 695 sondages sur l'avenir politique du Québec, des années 1970 à aujourd'hui, les sociologues Claire Durand et François Yale concluent que l'électorat indépendantiste ne se renouvelle pas.

Longtemps favorables à plus de 60% à la souveraineté, aujourd'hui, les Québécois francophones de 18 à 34 ans ne le sont pas plus que leurs aînés (moins de 50%). Selon Mme Durand, «cela accrédite la thèse voulant que la souveraineté était le projet d'une génération plutôt que le projet des jeunes».

Au cours des 40 dernières années, l'appui à la séparation du Québec n'a dépassé 50% que durant de courtes périodes, des sursauts provoqués par l'actualité (Meech, commandites). Or, ces temps-ci, l'impopularité du gouvernement Charest et le mécontentement suscité par Stephen Harper n'ont pas d'effet similaire; les appuis à la souveraineté restent plafonnés à 40%.

D'autres signes de la désaffection des Québécois, jeunes et moins jeunes, à l'endroit du projet souverainiste sont apparus au cours des dernières années. Dans un sondage réalisé l'automne dernier par CROP pour le groupe L'Idée fédérale, 71% des répondants, autant les jeunes que les plus âgés, estimaient que le débat sur la souveraineté du Québec est «dépassé».

Cela dit, les fédéralistes auraient tort de considérer la stagnation du mouvement séparatiste comme un triomphe. Car si les Québécois francophones, dont les jeunes, ne sont pas enthousiastes à l'égard de l'indépendance, ils ne le sont pas davantage au sujet du projet canadien. Ainsi, dans le même sondage de L'Idée fédérale, seulement 28% des jeunes Québécois de 18 à 34 ans se sont dits «très fiers» d'être Canadiens (47% chez les 55 ans et plus), alors que 45% d'entre eux sont «très fiers» d'être Québécois.

Bien qu'une forte majorité de Québécois continue de souhaiter que leur spécificité soit explicitement reconnue dans la constitution canadienne, ils ne semblent plus se faire d'illusions à ce sujet. De toute façon, le débat sur la place du Québec au Canada ne leur paraît plus prioritaire. On a même l'impression que le pays lui-même les laisse indifférents, surtout les jeunes. Qu'ils ne voient pas l'utilité de s'y investir.

Il sera intéressant de voir si l'arrivée de Thomas Mulcair à la tête de l'Opposition officielle pourra changer cette donne. La Presse rapportait hier que les Québécois joueront un rôle de premier plan au cabinet de M. Mulcair. C'est la première fois depuis l'époque de Jean Chrétien que s'installe une sorte de «French Power» au bureau d'un des principaux chefs de parti dans la capitale fédérale. Ce parti plus sensible aux questions québécoises, de surcroît de centre gauche, réussira-t-il à stimuler l'intérêt des jeunes d'ici pour le Canada? Il faut l'espérer. On s'assurerait ainsi que l'idée d'un Québec jouant un rôle de premier plan dans la fédération ne fasse pas elle aussi long feu.