«Un grand pas dans la lutte à la corruption», a dit hier le patron de l'Unité permanente anticorruption, Robert Lafrenière, à la suite de l'arrestation de 14 personnes présumément liées à un «système» d'échange d'avantages personnels contre des contrats publics à Mascouche et à Terrebonne.

Il s'agit certes de l'opération policière la plus importante depuis que la corruption du milieu de la construction défraie la chronique. Il est cependant trop tôt pour y voir le début du démantèlement du système de corruption qui prévaudrait à l'échelle de la province.

Cette opération de l'UPAC et de l'escouade Marteau ne susciterait pas autant d'intérêt si Tony Accurso, l'un des plus importants entrepreneurs du Québec, n'était pas parmi les personnes appréhendées. M. Accurso est un associé de Normand Trudel, lui aussi arrêté hier, patron de Transport et Excavation Mascouche et ami du maire de Mascouche, Richard Marcotte. L'une des entreprises de M. Accurso, Constructions Louisbourg, a récemment complété le projet d'agrandissement de l'usine d'épuration des eaux usées des municipalités de Mascouche et de Terrebonne.

Tony Accurso et ses entreprises ont fait l'objet de nombreuses enquêtes journalistiques depuis trois ans. On a notamment appris que plusieurs personnalités politiques et syndicales avaient séjourné sur son yacht, le désormais célèbre Touch. M. Accurso est l'un des partenaires du consortium GÉNIeau, qui avait obtenu de la Ville de Montréal le controversé contrat des compteurs d'eau. On peut espérer que l'opération d'hier aidera les policiers à faire la lumière sur ces différentes affaires.

Plusieurs s'impatientaient du peu de résultats concrets des enquêtes de l'UPAC et de Marteau. Nous n'étions pas de ceux-là: il vaut mieux que les policiers prennent tout le temps nécessaire pour établir une preuve solide. Cela dit, les Québécois auront raison de ne pas se satisfaire de ce «grand pas», aussi significatif soit-il. Ils soupçonnent qu'existe un «système» de grande envergure et s'attendent - sans trop y croire - à ce que la police et la commission Charbonneau en exposent les tentacules.

«Personne n'est au-dessus des lois» ont martelé hier M. Lafrenière et le premier ministre Charest. L'arrestation de M. Accurso est rassurante à cet égard. Cependant, il faudra attendre la suite avant de conclure que la police est vraiment en mesure d'aller au fond des choses.

De toute façon, ces développements sont de mauvais augure pour le Parti libéral. On sait qu'en 2008, Normand Trudel a organisé une soirée de financement pour le PLQ où l'invité d'honneur était nul autre que Jean Charest. Une autre des personnes arrêtées, Louis-Georges Boudreault, est un organisateur de longue date de la formation. Les libéraux ont peut-être eu hier un avant-goût de ce qui les attend lorsque commenceront les audiences de la commission Charbonneau.