La preuve est faite: mieux vaut ne pas compter sur les passants pour protéger son vélo des malfaiteurs. Découragé de la nature humaine? Il y a pire dans cette histoire.

Comme l'a démontré notre collègue Hugo Meunier dans son reportage, subtiliser une bicyclette n'est pas très risqué à Montréal. Huit fois de suite, il a dérobé la monture cadenassée par une complice dans des lieux très passants, sans jamais être importuné. La plupart des témoins l'ont ignoré. Ceux qui l'ont vu ne se sont pas interposés. Un seul citoyen est intervenu, faisant échec à la neuvième tentative. Il s'était lui-même fait voler deux vélos dans le passé.

On en voudrait davantage comme lui. Mais avant de blâmer ceux qui n'ont pas levé le petit doigt, posez-vous la question: qu'auriez-vous fait à leur place? Avec son manteau kaki, son jeans effiloché, sa casquette et ses lunettes fumées, notre collègue armé d'un coupe-boulons n'avait pas l'air commode. Un voleur de bicyclette, c'est au minimum un individu sans scrupules, et peut-être quelqu'un qui a un besoin pressant d'argent. Qui sait comment il réagira?

Bravo au monsieur qui a défendu le bien d'autrui, mais les cyclistes ne doivent pas s'attendre à ce que tout le monde fasse la même chose. Surtout s'ils attachent leur deux-roues avec une chaînette facile à sectionner, comme celle utilisée dans le reportage de La Presse. Un vélo mal protégé est une proie qui crie «prends-moi».

Il y a d'autres façons de compliquer la tâche aux voleurs. Les autorités en ont fait un bout. À Montréal, les prêteurs sur gages et les magasins de vélos usagés sont censés exiger un certificat de conformité - un document émis par le Service de police de la Ville de Montréal confirmant que le vendeur de l'objet en est bien propriétaire. Le SPVM insiste aussi sur le burinage, qui permet de savoir à qui appartiennent les bicyclettes retrouvées. Hélas, les victimes récupèrent rarement leur monture.

Le problème, c'est que les cyclistes font partie de l'équation. Entre 15 000 et 30 000 bicyclettes seraient volées chaque année à Montréal. Quinze à trente mille personnes qui subtilisent une bécane pour leur usage personnel? Non. S'il en disparaît autant, c'est qu'elles se vendent comme des petits pains. Beaucoup d'acheteurs de vélos usagés se comportent comme les passants de notre expérience: ils s'arrangent pour ne rien voir. Ils font affaire avec des receleurs, sans s'inquiéter de l'origine de tous ces engins offerts à des prix imbattables.

Le SPVM n'a pas de statistiques sur ses interventions auprès de ces commerces illégaux, mais assure qu'il en fait. Il devrait y en avoir davantage. À en juger par l'insouciance avec laquelle les revendeurs s'affichent sur l'internet, ils ne sont pas trop dérangés.

Cela dit, tant que les cyclistes seront preneurs de ces vélos de provenance douteuse, il ne faudra pas s'étonner que des voleurs s'organisent pour leur en trouver.

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