La Coalition Avenir Québec risque-t-elle de nuire à sa cause auprès des Québécois en fusionnant avec l'ADQ? Les programmes des deux partis sont-ils vraiment compatibles?LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.

Pierre-Yves McSween

Comptable agréé, enseignant au cégep régional de Lanaudière et chargé de cours à HEC Montréal.



UN MARIAGE LOGIQUE



Un parti politique, ce n'est pas un regroupement de personnes qui pensent exactement la même chose. C'est avant tout un rassemblement d'humains ayant une ligne directrice relativement semblable, mais d'une personne à l'autre, il y a un écart type par rapport à celle-ci. Voilà, la CAQ et l'ADQ avaient des lignes directrices semblables. Oui à l'ADQ, il y avait des gens de l'extrême droite partisans du Réseau Liberté-Québec  déçus de la fusion, mais il y avait aussi des centristes et des membres sachant faire preuve de nuances s'approchant de la pensée centrale de la CAQ. La multiplication des pains rend le processus démocratique trop complexe et difficile à gérer. Ainsi, le regroupement des axes devrait se faire lorsque l'écart entre les idées n'est pas trop grand. C'est un peu la même situation avec le NPD et le PLC ou le PQ et Québec solidaire, il y a des situations propices à la fusion. Pour l'instant, le PQ se retrouve dans une drôle de situation en affirmant «nous ne sommes pas de droite comme la CAQ et nous sommes souverainistes». De ce fait, le PQ se retrouve dans le même créneau que Québec Solidaire. Cela crée de la confusion dans l'électorat. La CAQ a décidé qu'il valait mieux s'approprier les quelques pourcentages de votes de l'ADQ pour les prochaines élections. Décision rationnelle qui permet de ne pas diviser le vote. Le seul risque demeure au niveau des députés en chambre: sauront-ils ne pas créer d'impairs avant que la machine soit en marche? Pour dire vrai, l'ADQ avait plus besoin de la CAQ que celle-ci avait besoin de l'ADQ.  En fait, les députés de l'ADQ avaient besoin de la CAQ pour garder leur emploi lors des prochaines élections. Ma seule réserve se situe au niveau de la place qui sera faite aux députés indépendants et de l'ADQ: auraient-ils eu une place de choix dans le parti sans la fusion?  Ont-ils l'envergure souhaitée des candidats de la CAQ? Bien que l'ADQ n'aime pas les notions syndicales, ses députés viennent de négocier la reconnaissance de « leurs acquis » et de leur «ancienneté».

Pierre Simard

Professeur à l'ENAP à Québec.



LA RAISON L'A EMPORTÉ



Certains couples se marient par amour, d'autres par dépit. On appelle ça un mariage de raison. Pour Gérard, les années passaient et le pouvoir tardait à frapper à la porte. François, quant à lui, avait besoin de sécurité et de confort matériel. Après réflexion mutuelle, la raison l'a emporté. Il vient un temps où on doit d'oublier la passion et saisir l'opportunité. Ainsi, la gauche efficace a épousé une droite prônant la liberté et les responsabilités individuelles. Pour l'instant, le couple se montre serein, même si la compatibilité idéologique semble incertaine. À court terme, ils ont décidé de vivre un jour à la fois et de limiter les plans d'avenir. Ils ne seront ni fédéralistes, ni nationalistes, ni de droite, ni de gauche, mais de type autonomiste pragmatique. De toutes façons, si on en croit François, autonomisme rime avec nationalisme et pragmatisme avec... n'importe quoi. En somme, le nouveau couple sera d'accord avec tout ce qui pourra maximiser ses chances de gagner les prochaines élections. Conformément aux enseignements de l'école des choix publics, la CAQ mise sur l'ambiguïté afin de mieux exploiter l'ignorance et l'indifférence rationnelles des électeurs. Quant à la députation adéquiste, elle aura fait une éloquente démonstration que les politiciens sont d'abord et avant tout préoccupés par leur carrière politique. Comme le chantait Brassens: «Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente.»

Pierre Simard

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale.



ON VERRA!



Les éléments de programme de la CAQ sont encore tellement diffus, pour ne pas dire confus, qu'il n'est pas étonnant de constater que dans le dernier sondage publié par La Presse, une grande proportion des répondants fassent le choix de la case  «je ne sais pas» aux questions posées sur les orientations de la CAQ. Qui s'en étonnera après les nombreuses réponses de François Legault qui se résument à «on verra»? Le clivage le plus visible entre le credo de l'ADQ et celui de la CAQ  est certainement celui qui touche à l'intervention de l'État. La CAQ se contente de dire qu'elle rendra le gouvernement plus efficace, alors que l'ADQ préconise depuis toujours un régime minceur. Par ailleurs, la répartition des personnes qui se prononcent à savoir si la CAQ est souverainiste ou fédéraliste ou si elle représente ou non le changement est assez divisée pour qu'on se demande si la nouvelle coalition n'a pas intérêt à cultiver un certain flou artistique. Il faudra pourtant savoir un jour à qui on a affaire. Pour l'instant, être anti-gouvernement Charest est tout sauf un programme. En fait de fusion, François Legault vient simplement d'éliminer ce qu'il considérait sûrement comme une nuisance électorale.

Nestor Turcotte

Théologien et philosophe.

LES ADÉQUISTES CAQUISTES



La photo officielle du mariage caquiste-adéquiste ne ment pas. Ça ressemble drôlement à un mariage obligé, presque forcé. Le conjoint caquiste veut s'assurer de gouverner le ménage; le conjoint adéquiste veut s'assurer d'avoir une place dans nouvelle maisonnée. Le premier, dans le ménage, sera celui qui a fait la cour au nouveau conjoint; le nouveau conjoint restera toujours, dans l'esprit des gens, celui qui a accepté l'offre de l'autre et sera toujours vu comme un second. Il y aura un premier et il y aura un second. Il faudra bien de l'humilité à M. Deltell pour accepter d'occuper le poste de sous-chef. Les détails du contrat caquiste-adéquiste semblent flous, imprécis, impossibles à bien circonscrire. Les mots, subitement, deviennent synonymes (ex: nationaliste = autonomiste) et les paramètres de base adaptables (système de santé public et système de santé privé à expérimenter) Je vois déjà deux chefs dans la cette nouvelle formation politique. Legault n'est pas un orateur; Deltell est un tribun. Il parle plus vite que son ombre. Il a un excellent français. Communicateur de métier, il prendra rapidement le haut du pavé. M. Legault ne s'exprime pas facilement; il fait d'énormes fautes de français. Dans un campagne électorale, qui jouera le second violon? Je parie que l'on revivra la campagne référendaire de 1995. Voyant le camp du OUI plonger de plus en plus, Jacques Parizeau s'est éclipsé et a mis en vedette Lucien Bouchard. Il lui a fallu une résignation hors du commun pour laisser à un non élu du Parlement de Québec, diriger une campagne qui devait conduire le Québec à quitter la Fédération canadienne. Et que sera la position constitutionnelle du nouveau mariage? On croit revivre les années 1985 de Pierre Marc Johnson...

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE NESTOR TURCOTTE

Nestor Turcotte.

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.



LA TROISIÈME OPTION



Le résultat de la récente élection partielle dans Bonaventure a rapidement fait comprendre à l'Action démocratique du Québec que le parti n'était plus dans le coup et que les prochaines élections générales provinciales seraient déterminantes à sa survie. Dans un autre ordre d'idées, la venue de la Coalition avenir Québec (CAQ) sur la scène politique québécoise vient changer la donne de notre paysage politique. Comme le principal allié du politicien est l'opportunisme, je ne suis aucunement surpris des tractations qui ont eu cours entre l'ADQ et la CAQ. Le premier, en s'alliant au second, se permet de poursuivre la défense de ses idées, alors que le second acquiert les avantages d'un parti bénéficiant d'un droit de parole à l'Assemblée nationale, d'un budget de recherche et des privilèges consentis à un parti déjà installé et reconnu. Ainsi, M. Legault pourra poursuivre en toute tranquillité la construction de son parti et se préparer diligemment dans l'éventualité où, au printemps, le premier ministre décidait de déclencher des élections générales. La force de M. Legault réside principalement dans le fait que les Québécois sont mûrs pour le changement. On sait d'ores et déjà qu'il occupera le centre droit sur l'échiquier politique québécois et que les divers éléments de son programme en seront le reflet. La fusion ADQ-CAQ permettra une réelle troisième option lors du prochain suffrage universel et, bien malin celui qui pourra en prédire l'issue.

Jean Gouin

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



CONFUSION



Avec seulement quatre députés à l'Assemblée nationale, l'ADQ n'avait d'autre choix que de fusionner avec la CAQ de François Legault, sinon sa disparition n'était qu'une question de temps. Mais ce mariage est-il pour autant légitime ou a t-il eu lieu par opportunisme? Si cette union est entérinée par les membres de l'ADQ d'ici le mois de janvier 2012, les deux formations politiques en sortiront gagnantes. En effet, les militants de l'ADQ au prochain scrutin voteront massivement pour ce nouveau parti pour qui, comme bon nombre de Québécois, il m'est impossible de définir clairement sa position sur l'échiquier politique. Est-il à gauche ou à droite? Les députés adéquistes devenus caquistes vont-il se retrouver comme certains membres du PQ en perpétuelle chicane, car leurs idées ne sont pas les mêmes que celles de la CAQ? Est-ce là ce que nous voulons: un autre parti dont les membres sont incapables de s'entendre entre eux? M. Deltell et les trois autres élus assimilés par la CAQ devront-ils suivre la sempiternelle ligne de parti ou auront-il la liberté de ne pas adhérer aux prises de position émises par M Legault? Il est vrai que l'électorat québécois est las des anciennes formations politiques et exige un changement significatif. Encore faut-il que ce changement soit bénéfique pour la collectivité et non seulement pour certaines classes de la société.

François Bonnardel

Député adéquiste de Shefford.



UNE EXCELLENTE NOUVELLE



L'annonce d'une entente de principe entre la Coalition avenir Québec et l'Action démocratique du Québec est une excellente nouvelle pour tous les Québécois qui réclament des changements majeurs, notamment dans les domaines de la santé et de l'éducation. Face aux deux vieux partis qui ne s'intéressent qu'aux mêmes vieilles chicanes, les forces de changement ont tout intérêt à s'unir afin de proposer une offre politique audacieuse et porteuse d'espoir pour le Québec. Dès l'annonce du début des négociations, le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, avait affirmé que tout projet de fusion se ferait sur la base des idées. Après analyse, il apparaît clair que la vaste majorité des idées défendues par la CAQ sont carrément des idées adéquistes, en plusieurs cas des copies conformes. De plus, l'ADQ a fait des gains importants, concernant notamment la mixité de la pratique médicale et le principe d'autonomie du Québec. Le caucus des députés et l'exécutif national ont donc approuvé l'entente de principe. Ce sera maintenant au tour des membres du parti de se prononcer sur le projet de fusion et c'est pourquoi ils sont appelés à voter dès le 2 janvier prochain. Je suis convaincu qu'ils prendront la meilleure décision pour l'avenir du Québec, soit l'union des forces de changement.

photo archives La Voix de l'Est

François Bonnardel