Même si ses neuf députés n'ont pas été élus sous la bannière de la CAQ, le parti devrait-il être reconnu à l'Assemblée nationale et se voir octroyer droit de parole en Chambre et budget à l'avenant? Le premier ministre Jean Charest et la chef de l'opposition, Pauline Marois, devraient-il accéder à la demande de François Legault? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques.



DEVANT L'ÉLECTORAT D'ABORD



Si l'on croit que les règlements de l'Assemblée nationale sont imparfaits, il faudrait songer à les modifier une fois pour toute et cesser de le faire au gré des vents. Il faut s'imaginer ce que serait notre société si nous devions constamment changer les lois en fonction de situations particulières et temporelles. La CAQ est une formation politique toute jeune qui a maintenant des députés à l'Assemblée nationale grâce à un «parti transfuge» et un député dont on se demande où les valeurs souverainistes et la philosophie de gauche sont passées.

L'objet ici n'est pas de faire un procès d'intention à la CAQ. Ce parti a droit, comme tous les autres, de présenter ses idées et de les soumettre à l'électorat. Mais voilà, les citoyens n'ont pas élu un seul député de la CAQ. On ne parle ici de l'élection de six députés du PQ en 1970 ou de quatre députés du Parti égalité ou de quelques députés de l'ADQ. La CAQ n'a pas fait encore face à l'électorat et doit, à mon avis, attendre son tour. Ce n'est pas une question partisane, c'est une simple question de respect de nos institutions et de notre système démocratique, aussi imparfait soit-il.

Denis Boucher

Gaétan Frigon

Président exécutif de Publipage inc., ex-PDG de la SAQ et de Loto-Québec.



D'INTÉRÊT PUBLIC



Il y a fort à parier que le débat entourant la possibilité que la CAQ soit reconnue à l'Assemblée nationale soit politisé, le PLQ et le PQ s'y opposant pour toutes sortes de raisons. C'est malheureux mais c'est la vie....politique. Cependant, ici, il ne faudrait pas être plus catholique que le pape dans les circonstances. Il est en effet d'intérêt public que la CAQ, indépendamment du fait que ses neuf députés n'aient pas été élus sous cette bannière, se voit octroyer droit de parole en Chambre et budget à l'avenant, simplement parce que cette formation politique a de fortes chances de former le gouvernement ou l'opposition officielle lors des prochaines élections. La population est en droit de les regarder aller dans l'arène politique et qui dit arène politique dit automatiquement Assemblée nationale. Il est donc impératif, au-delà de toute autre considération politique, tant pour les autres partis politiques que pour la population en général, de voir la CAQ exposer ses idées là où elle doit le faire. Le PLQ et le PQ peuvent reconnaître la CAQ d'eux-mêmes ou attendre que la pression de la population les oblige à le faire. Toute personne de marketing vous dira que la première option est la meilleure.

PHOTO FOURNIE PAR GAÉTAN FRIGON

Gaétan Frigon.

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



SUIVRE LES RÈGLES



La CAQ entend être reconnue comme groupe parlementaire. De plus, elle demande un budget de fonctionnement de l'ordre de 400 000$ par année. En ce qui me concerne, des neuf députés de la CAQ, aucun n'a été élu sous la bannière de ce parti. Or ils devraient être considérés comme députés indépendants tant qu'ils ne seront pas élus selon les régles de l'art. Il est vrai que ces neuf personnes ont accédé à l'Assemblée nationale grâce aux votes recueillis lors du dernier scrutin. Mais leurs électeurs ont aussi voté pour chacun de leur parti respectif, qui n'était pas la CAQ. Les transfuges qui forment la CAQ doivent suivre les règles et l'Assemblée nationale devrait les reconnaître comme indépendants. Cela afin de ne pas tromper l'électorat. Tout comme les Curzi, Lapointe et Beaudoin qui ont quitté le PQ par conviction, les neuf députés de la CAQ devront prendre leur mal en patience et tenter malgré tout de faire ce pour quoi ils ont été élus. Soit bien représenter les citoyens de leur circonscription respective afin de gagner la confiance populaire tout en faisant connaître la CAQ. Ainsi les électeurs pourront au prochain scrutin juger de la pertinence ou non de les maintenir en poste. Si la CAQ obtient ce qu'elle veut, plus rien n'empêchera un député ou un groupe de députés insatisfaits de fonder un mouvement de faire cette même demande et d'obtenir les privilèges octroyés aux formations reconnues. Il est clair qu'en démocratie, il y a plusieurs partis. Mais il ne faut surtout pas transgresser les règles et surtout toujours avoir comme premier critère, avant de modifier le mode de fonctionnement, le respect des électeurs. Si la CAQ est reconnue, qui en sort gagnant? Les citoyens du Québec ou la CAQ elle-même? J'opte pour la deuxième réponse.



Pierre Simard

Professeur à l'ENAP



MARCHANDAGE POLITIQUE



Le parti au logo arc-en-ciel, composé d'un arc-en-ciel de députés, a besoin de reconnaissance et... d'argent public. François Legault compte sur la pression populaire pour convaincre les libéraux et les péquistes de lui accorder le statut de deuxième opposition officielle à l'Assemblée nationale. Ce même François qui, depuis des mois, multiplie les maraudages pour convaincre des élus libéraux et péquistes de trahir leur chef, doit maintenant montrer patte blanche devant Pauline Marois et Jean Charest. Le premier geste de la CAQ - personne n'est dupe - sera donc de s'adonner au marchandage politique avec ses adversaires. Que devra-t-il concéder à Pauline pour se faire pardonner le rapt de Rebello? Que promettra-t-il à Jean pour se faire donner ce que l'électorat ne lui a pas encore accordé? On ne le saura probablement jamais. C'est triste, mais c'est comme ça! Le marchandage fait partie de l'ADN des politiciens et, pour eux, l'argent public n'a pas odeur. Bref, pour un politicien, tout est négociable... et, comme le disait Napoléon Bonaparte, «en politique, l'absurdité n'est jamais un obstacle».

Pierre Simard

Nestor Turcotte

Théologien et philosophe.



CHAREST ET MAROIS DEVRAIENT ACCEPTER



Le premier ministre Jean Charest et la chef «béton» Pauline Marois auraient avantage à accepter que la Coalition avenir Québec soit reconnue officiellement comme deuxième opposition à l'Assemblée nationale. Le PQ a déjà formé l'Opposition officielle en 1970 avec sept députés élus et, en 1973, avec seulement six députés. Il faut se souvenir qu'à ce moment-là, le chef du PQ, René Lévesque, ne siégeait pas, lui non plus, à l'Assemblée nationale. La rentrée parlementaire prévue pour le 14 février, pourrait peut-être permettre, d'ici là,  à d'autres députés péquistes (libéraux?) de traverser la Chambre et de venir grossir les rangs de la Coalition. Qui sait? La situation politique actuelle est sans précédent. De mémoire d'homme, je ne pense pas avoir assisté à un tel phénomène. Jamais autant de députés ont quitté, durant un mandat, élus sous une bannière, pour aller former une nouvelle grappe politique.  Le chef du gouvernement et la chef de l'Opposition (si elle est encore là...) devraient donc accorder à cette nouvelle formation politique le statut de parti officiel. Jean Charest pourrait ainsi se mesurer d'égal à égal avec elle, et qui sait, lui permettre de jeter un regard plus souvent, non pas vers les gens d'en face, mais un peu de côté, tout juste à l'endroit qu'on dénomme familièrement «le poulailler», où les caquistes seront regroupés.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE NESTOR TURCOTTE

Nestor Turcotte.

Caroline Moreno

Écrivain et comédienne.



AUCUNE EXISTENCE PARLEMENTAIRE



Les neuf députés n'ayant pas été élus sous l'arc-en-ciel des couleurs caquistes devraient attendre la tenue d'élections avant de réclamer des privilèges car, bien que la CAQ ait obtenu avec les 100 signatures requises son statut de parti politique, elle ne possède pas d'existence parlementaire. Sauvons les meubles de la Chambre! Laissons le soin aux électeurs de décider de ses représentants.

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.



ENRICHIR LE DÉBAT PUBLIC



La Coalition avenir Québec étant maintenant un parti reconnu auprès du Directeur général des élections, il ne faut aucunement se surprendre que François Legault, son chef, veuille aller plus loin et s'enraciner à l'Assemblée nationale, même si aucun député n'a encore été élu sous cette bannière. Le parti, depuis sa fusion avec l'ADQ, compte neuf députés et il est normal et sage que M. Legault frappe à la porte de l'Assemblée nationale pour obtenir un budget de fonctionnement, de recherche et un droit de parole. Fort de 30 % d'appui de la population dans les sondages, il démontre à tous qu'il est prêt à en découdre avec ses adversaires et qu'il veut s'exprimer officiellement en participant au débat public. Le premier ministre Jean Charest et la chef de l'Opposition, Mme Marois, seraient bien mal venus de l'en empêcher, alors qu'ils le somment depuis plusieurs mois de s'inclure dans le débat public. Lui refuser budget et droit de vote à l'Assemblée nationale, viendrait à exposer au grand jour mesquinerie et hypocrisie de leur part. Mais, en bons combattants qu'ils sont, Mme Marois et M. Charest savent qu'un jour ils devront faire face à la musique et le plus tôt sera le mieux. Ce serait faire preuve de respect envers la population que de permettre d'enrichir le débat public.

Jean Gouin

Mélanie Dugré

Avocate.



POURQUOI REPOUSSER UNE ÉVIDENCE?



À l'instar des couleurs clinquantes de son logo, la CAQ se fait omniprésente dans le paysage politique québécois alors que ses dirigeants et militants souhaitent certainement que cette aventure ne soit pas qu'une histoire sans lendemain. L'arrivée de la CAQ constitue une excellente nouvelle pour la santé de notre démocratie et que l'on soit, ou non, en accord avec ses idées, sa stratégie et sa vision du Québec, un vent de fraîcheur souffle derrière elle. Les partis en place, particulièrement le Parti Libéral au pouvoir depuis trop longtemps et confortablement assis sur ses lauriers, voguent présentement sur un air d'aller un peu blasé. La CAQ viendra secouer cette aisance malsaine et les forcer à lever le nez de leur nombril pour se concentrer sur les réels enjeux auxquels nous sommes confrontés. La CAQ tirera sans aucun doute son épingle du jeu lors des prochaines élections. Refuser de la reconnaître à l'Assemblée nationale équivaut à s'enfarger les pieds dans d'inutiles formalités et repousser une évidence qui s'imposera plus tôt que tard. Il est impératif que nous ayons des débats d'idées qui permettront au Québec d'avancer et d'évoluer. Remettre ce rendez-vous aux calendes grecques ne servira personne.

Mélanie Dugré