Dans son budget qui sera déposé mardi prochain, le ministre des Finances, Raymond Bachand, compte obliger les employeurs à mettre en place un régime de retraite auquel seuls leurs employés contribueront. Êtes-vous d'accord avec cette mesure ? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Francine Laplante

Femme d'affaires.



INFANTILISER LES QUÉBÉCOIS



Je suis personnellement à la tête de quelques PME et je dois déjà consacrer une bonne partie de mon temps à gérer les nombreux prélèvements exigés par les gouvernements :TPS, TVQ, assurance emploi, RRQ, RQAP, CSST. Pensez-vous vraiment que les entrepreneurs ont besoin qu'on vienne alourdir encore plus leur tâche et qu'on ajoute une gestion de régime de retraite à notre longue liste de responsabilités? D'autre part, est-ce qu'on cherche à infantiliser les Québécois? Doit-on les obliger à prévoir leur avenir financier? N'est-ce pas de la responsabilité de chacun de décider de la manière de dépenser son argent et de prévoir ou non ses vieux jours? Parce que sinon, faudrait aussi payer le compte d'Hydro de nos employés au cas où ils oublieraient... Soyons logiques et raisonnables. L'État a des responsabilités et des obligations, mais ne peut pas être partout sous prétexte que certains ne prennent pas leurs responsabilités personnelles aussi au sérieux qu'ils le devraient...

Claudette Carbonneau

Ex-présidente de la CSN.



JOUER À L'AUTRUCHE



Les intentions de Québec en matière de retraite manquent d'audace et passent à côté des vrais problèmes. Serviles par rapport à Ottawa, elles compromettent l'objectif d'une retraite décente pour tous les Québécois. Nos régimes publics offrent une protection insuffisante: 343 $ en moyenne par mois pour la RRQ contre 545 $ en provenance du fédéral. Les régimes d'entreprise qui devaient compléter la protection sont en net recul. 60% des travailleurs n'y ont pas accès. Les autres, particulièrement les jeunes générations, voient leurs régimes s'éroder. Exit les régimes à prestations déterminées. L'ère est au désengagement des employeurs, qui laissent aux seuls travailleurs tous les risques et les aléas des crises successives. Devant ces faits, l'Australie, la Hollande, l'Angleterre ont choisi de légiférer pour forcer la mise en place de régimes d'entreprise avec contribution des employeurs. Ici, on s'apprête à faire le contraire en ne comptant que sur l'épargne des salariés. Belle façon de jouer à l'autruche devant l'endettement sans précédent des ménages. Voilà qui explique que seul un travailleur sur trois contribue à un REER, malgré l'avantage fiscal. S'entêter ainsi est injuste et sans vision alors qu'on pourrait faire tellement mieux avec des régimes sectoriels si chacun faisait sa part, y compris l'entreprise.

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques.



INÉQUITABLE



Dans les faits, ce que le ministre s'apprête à annoncer est un régime d'épargne forcée. Il est notoire que les Québécois sont surendettés et ne contribuent que peu ou pas à un REER. Aussi une très grande majorité de travailleurs n'ont pas le bonheur et le privilège d'avoir des régimes de retraite bien gras comme ceux des fonctionnaires, sénateurs et... élus. Puisque personne n'est contre la vertu, on peut penser que si les gens ne contribuent pas à leur REER, c'est tout simplement parce qu'ils n'arrivent pas à joindre les deux bouts et que la contribution au REER ne figure pas très haut sur la liste des priorités. Les obliger à épargner ne leur donnera pas plus d'argent. Ils devront faire des sacrifices ailleurs. Par contre, si on diminuait les avantages de retraite octroyés à certains groupes privilégiés pour les redistribuer à ceux qui n'en ont pas, cela pourrait vraiment représenter la création d'un véritable régime de retraite équitable. Après tout, il est assez paradoxal de constater qu'une minorité se fasse payer des retraites dorées par une majorité de gens qui peinent à mettre de l'argent de côté pour leurs vieux jours.

Denis Boucher

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec



MAÎTRE DE SA PROPRE DESTINÉE



Alors que je débutais ma carrière professionnelle, au début des années 1970, le premier conseil que l'on m'a prodigué fut de commencer à penser à ma retraite. À cette époque, on nous entretenait déjà de la société du loisir et de la semaine de 4 jours. Jeunes, on n'écoute pas toujours les conseils de ses aînés, mais celui-là, je l'ai intégré et, année après année, j'ai nourri mon RÉER du maximum qui m'était permis. Je ne regrette aucunement de m'être astreint à cette discipline. Je compte prendre ma retraite d'ici quatre ans et, même avec un marché en dents de scie qui m'a fait perdre à un moment donné de 25% à 30% de mon REER, je serai en mesure de me retirer avec une certaine sécurité financière. Le deuxième conseil que l'on m'a donné était de m'occuper de ma propre destinée et de ne pas compter sur les mamelles de l'État. Je sais que, dans notre société, les plus démunis d'entre nous ne sont pas en mesure de le faire et c'est pourquoi nous avons des programmes pour les soutenir. Mais, quand je lis que le ministre des Finances veut mettre en place un régime de retraite auquel les employés seront tenus de contribuer, je crois que M. Bachand fait la bonne chose. On ne peut pas toujours dépendre entièrement de l'État ou des entreprises.

Jean Gouin

Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé au CIRANO.



IMPACT SUR LES SALAIRES ET AUTRES BÉNÉFICES



Forcer une entreprise qui n'offre présentement pas un régime complémentaire de pension à ses employés d'offrir un tel régime, sans qu'elle ne réduise les salaires et/ou les autres bénéfices de ses employés, pourrait impliquer une augmentation de ses coûts en main-d'oeuvre de 5 à 10%, une baisse fort importante de sa rentabilité et même la fermeture de cette entreprise. Une telle éventualité serait très néfaste pour les employeurs et pour les employés. Par contre, les employeurs devraient être ouverts à l'idée de répartir le montant de la rémunération totale de leurs employés entre divers modes de rémunération (salaires, programmes complémentaires de santé, régime de pension...) selon le choix de leurs employés, en autant que les coûts de gestion de ces modes de rémunération n'augmentent pas significativement les coûts de l'entreprise. Si le gouvernement peut mettre en place un système qui réduit le coût de gestion d'un régime de pension pour les entreprises, surtout pour les PME, il est fort possible que cela fasse en sorte qu'une plus grande partie de la rémunération des travailleurs aille dans des régimes de retraite complémentaires. Cependant, il n'est pas du tout certain qu'un bon nombre d'employés, surtout ceux qui ont un faible taux d'épargne ou ceux qui augmentent leur endettement, soient prêts à accepter une baisse de leur salaire pour avoir à plus long terme une hausse de leur revenu de retraite.

Jean-Pierre Aubry

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



DÉTOURNER L'ATTENTION



Cette mesure que présentera Raymond Bachand lors du dépôt de son budget n'est selon moi que de la poudre aux yeux et servira plutôt au ministre à détourner l'attention. M. Bachand, qui demandait de le surveiller lors du dépôt de son dernier budget, n'a visiblement pas livré la marchandise. Il affirmait à l'époque que son gouvernement ferait 62% de l'effort budgétaire. Une autre promesse non tenue! Je n'ai rien contre le fait que tous les travailleurs puissent bénéficier d'un régime de retraite. Je suis, selon certains. parmi les «gras durs'» du monde du travail, car je bénéficierais, si tout va bien et après 35 ans de loyaux services, si je m'y rends, d'une rente équivalente à 70% de mon salaire. Revenons au Régime volontaire d'épargne-retraite (RVER) que va nous proposer M. Bachand. Le nom le dit, ce régime sera obligatoire pour les employeurs. L'employé quant à lui pourra y contribuer sur une base volontaire. Or comment les personnes gagnant le salaire minimum pourront se permettre de cotiser à ce régime? Certaines d'entre elles s'endettent pour faire l'épicerie. Comment le ministre peut-il croire que le RVER sera avantageux pour elles? Il est illusoire de croire que les plus bas salariés puissent se constituer un coussin financier suffisant pour leurs vieux jours.

Caroline Moreno

Écrivain et comédienne. 



UN BON RÉGIME



En matière de régime de retraite, le Québec n'est pas à l'avant-garde. En ce sens, l'initiative de Raymond Bachand doit être bien accueillie car elle assura aux travailleurs québécois une retraite décente et bien méritée. En contrepartie, l'État devra garantir ces investissements. Il est de la responsabilité de tous de veiller aux gains!

Pierre Simard

Professeur à l'ENAP, à Québec.



LA DISCIPLINE



C'est connu, notre ministre des Finances veut notre bonheur. Il aurait d'ailleurs trouvé la solution aux problèmes de pauvreté de nos retraités : dorénavant, c'est l'employeur qui aura la responsabilité de choisir le régime de ses employés et de faire des retenues à la source sur leur salaire. Il suffisait d'y penser. Les REER et autres véhicules d'épargnes ne fonctionnent que lorsque les travailleurs sont disciplinés. Comme nous sommes à ses yeux  des insouciants, voire des accros de la consommation, il a décidé de nous offrir un tuteur. Un tiers qui saura nous imposer la discipline nécessaire à l'épargne. Mais si ce n'était pas le vrai problème? Si le problème d'épargne des Québécois était d'abord une question de revenu disponible? Si une fois que le travailleur a payé tous ses impôts, il ne lui en restait plus suffisamment pour joindre les deux bouts et épargner pour sa retraite? En début d'année, la Fédération canadienne des contribuables nous rappelait que le pouvoir d'achat des Québécois s'éroderait de 4% en 2012, une érosion attribuable aux  différentes hausses de taxes et de cotisation décrétées par notre bon gouvernement. Et si, au lieu de vouloir discipliner les contribuables, le ministre Bachand s'autodisciplinait en allégeant le fardeau fiscal? Je suis persuadé que nos futurs retraités y gagneraient au change.

Pierre Simard