Dans le dossier de la hausse des droits de scolarité, le gouvernement Charest devrait-il accepter de négocier avec le mouvement étudiant afin de trouver un terrain d'entente et de mettre fin à la grève? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Louis Bernard

Consultant et ancien haut fonctionnaire au gouvernement du Québec.



À TABLE, ÇA PRESSE



La grève des étudiants n'est pas en tout point semblable à une grève dans une entreprise privée où la production interrompue peut être remplacée par celle d'autres établissements ou reprise lors du retour au travail. C'est le cas si la session peut être prolongée ou reportée dans le temps, mais pas si elle devait être annulée. D'ailleurs, jamais lors de grèves antérieures d'étudiants ou de professeurs, une session n'a été annulée. Cela doit être évité à tout prix, car cela créerait la pagaille dans les universités et même dans les cégeps. Il faut aussi tenir compte des pertes financières que subiront les étudiants à mesure que la grève se prolonge en raccourcissant le temps disponible pour le travail d'été. Il y a donc urgence à trouver une voie de sortie et d'amorcer un dialogue entre les parties. Dans le cas d'un conflit privé, la ministre du Travail aurait depuis longtemps nommé un médiateur pour rapprocher les parties et suggérer un compromis. Cela pourrait être fait dans le conflit actuel si le gouvernement veut trouver une solution sans perdre la face. Quoi qu'il advienne, il devra sans doute, tôt ou tard, accepter de se mettre à la table. Pourquoi attendre que les choses dégénèrent?


Marc Simard

Professeur d'histoire au collège François-Xavier-Garneau, à Québec.



UNE HAUSSE ÉQUITABLE



Plusieurs bonnes âmes voudraient que le gouvernement tende un rameau d'olivier aux étudiants en grève et les invite à une négociation sur l'augmentation des droits. Certains voudraient qu'il réduise la facture, d'autres qu'il la ventile dans le temps. La négociation n'est pas souhaitable parce que la décision du gouvernement est équitable. L'augmentation rétablit un certain équilibre entre les contribuables et les étudiants, qui font partie des privilégiés de demain. Elle ne pénalise pas les 25% d'étudiants les plus pauvres, dont les bourses seront augmentées en proportion. Elle recrée une équité intergénérationnelle en haussant la facture à un montant équivalant à celui payé en 1968. Enfin, elle élève la part des étudiants à 17% du total des coûts, le même pourcentage que paient les parents qui ont un enfant en CPE. À côté de ces balises, les arguments des rouges (justice sociale; accessibilité; marchandisation de l'éducation) ne sont que des affabulations artistiques. La négociation est impossible parce que les grévistes n'ont prévu aucune position de repli. Ses leaders ont décrété la stratégie du tout ou rien et aucun n'est prêt à concéder la moindre hausse, ne serait-elle que d'un cent. De plus, toute ouverture du gouvernement serait perçue comme un aveu de faiblesse que les étudiants interpréteraient comme une victoire. Leur principal levier de mobilisation n'est-il pas justement que le gouvernement a toujours cédé? Ne serait-ce que pour casser ce pattern, le gouvernement Charest doit tenir bon.

Claudette Carbonneau

Ex-présidente de la CSN.



M. CHAREST DOIT DÉNOUER LA CRISE



Le gouvernement du Québec doit cesser de se réfugier derrière des prétextes pour ne pas ouvrir le dialogue avec le mouvement étudiant. Il faut être aveugle pour ne pas voir l'impasse et le gâchis qui pointent à l'horizon. 300 000 étudiants qui ne  décolèrent pas. Un mouvement qui reçoit un appui significatif des parents et de la société civile. Voilà qui témoigne de l'ampleur de la fracture qui divise la société québécoise sur une sujet qui concerne la perception des faits, nos valeurs et notre vision de l'avenir. Devant l'engagement citoyen des jeunes, le premier ministre doit prendre de la hauteur et donner le signal qu'en démocratie, le dialogue social est préférable à la confrontation et à la volonté d'écraser. Jean Charest doit démontrer qu'il a à coeur d'être le premier ministre de tous les Québécois et au premier chef de sa jeunesse. Ce n'est pas trop lui demander que de l'inviter à faire sa part pour dénouer la crise, combattre le cynisme ambiant et redonner à la politique ses lettres de noblesse.

Michel Kelly-Gagnon

PDG de l'Institut économique de Montréal. Il s'exprime à titre personnel.



LE GOUVERNEMENT NE DOIT PAS CÉDER



Le gouvernement Charest ne doit absolument pas céder, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, la hausse de 325$ par année est objectivement fort modeste et les étudiants québécois auront encore des droits de scolarité significativement moins élevés que ceux des autres provinces canadiennes, même après l'augmentation.

Deuxièmement, l'accessibilité ne sera pas affectée, vu la bonification du programme de prêts et bourses. D'ailleurs, le taux de fréquentation universitaire au Canada est plus élevé à l'extérieur du Québec et ce malgré des droits de scolarité onéreux. Troisièmement, si un gouvernement élu démocratiquement (et qui bénéficie par ailleurs de l'appui de la majorité de la population sur cette question) s'avise de reculer à chaque fois que des manifestants mettent de la pression, cela envoie le message, haut et fort, que toute réforme (même assez modeste) est impossible au Québec.

Archives

Michel Kelly-Gagnon

Martin Lépine

Professeur de didactique du français à l'Université de Sherbrooke et enseignant au primaire et au secondaire pendant 10 ans.



DES ÉTATS GÉNÉRAUX



Le gouvernement Charest devrait non seulement négocier avec les étudiants et les différents acteurs du monde de l'éducation, mais aussi et rapidement lancer une vaste consultation ouverte sur le financement des universités. Près de 20 ans après les États généraux sur l'éducation, il est temps de se s'interroger sur l'ensemble du fonctionnement de notre système scolaire, et ce, des centres de la petite enfance à l'université, les deux extrémités de notre réseau qui présentent des problèmes d'accessibilité. Les étudiants présents et passés que nous sommes tous doivent avoir une place de choix dans ces discussions tant politiques qu'apolitiques. Dans un XXIe siècle où tout s'accélère, où les études ne sont qu'un commencement sur la route du mieux-être individuel et collectif, il semble important de rappeler que personne n'a et n'aura jamais fini d'apprendre, dans et hors de l'école. L'apprentissage étant souvent ponctué d'une série d'essais et d'erreurs que l'on tente au mieux de corriger, que le gouvernement actuel donne l'exemple en continuant lui aussi d'apprendre!

PHOTO FOURNIE PAR MARTIN LÉPINE

Martin Lépine

Guy Ferland

Professeur de philosophie au Collège Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse.



UNE RESPONSABILITÉ À ASSUMER



À la suite de la plus grande manifestation des opposants à la hausse des droits de scolarité, non seulement le gouvernement libéral doit accepter de négocier avec le mouvement étudiant afin de trouver un terrain d'entente et mettre fin à la grève, mais il doit même proposer de nouvelles pistes de solution. Un gouvernement responsable doit être à l'écoute de la population et trouver des terrains d'entente lorsque ses prises de décisions vont à l'encontre des intérêts fondamentaux d'une société. La grève des étudiants dépasse largement le débat sur l'augmentation ou le gel des droits de scolarité, mais touche l'ensemble des valeurs d'une société à l'égard de son avenir. Veut-on une société dans laquelle l'éducation est une marchandise comme une autre ou une société où l'éducation incarne une valeur primordiale? Jean Charest n'arrêtait pas de dire que la santé était la priorité des priorités, maintenant, il devrait affirmer que c'est l'éducation qui devient la priorité des priorités et s'asseoir avec le mouvement étudiant afin de trouver des solutions parmi lesquelles la gratuité scolaire n'est pas exclue. C'est un moment historique qui s'offre au Parti libéral de montrer sa sensibilité et son ouverture d'esprit aux aspirations des jeunes pour la société de demain.

Caroline Moreno

Écrivain et comédienne. 



LES DEVOIRS DU GOUVERNEMENT



Le gouvernement a le devoir de parvenir à une entente satisfaisante avec ses étudiants, car c'est l'avenir du Québec qui est en jeu. En effet, du primaire à l'université, l'école prépare les jeunes à devenir de futurs travailleurs oeuvrant au bien-être de la société ainsi qu'à sa prospérité. Ils deviendront électriciens, plombiers, médecins, enseignants, ingénieurs, gens d'affaires ou sculpteurs. Chacun participera, dans la mesure de ses capacités et de ses talents, au développement de la nation. Le Québec est riche : il possède un territoire immense, des lacs, des forêts, des minerais, des industries, des artistes, des artisans, bref, il pourrait, à l'instar de la Suède qui compte un peu plus de 9 millions d'habitants, assurer la gratuité scolaire pour tous. L'éducation n'est pas une dépense déraisonnable, c'est un investissement. Éduquer, c'est lutter contre la délinquance, la pauvreté, le chômage, la médiocrité. Non à la hausse des frais de scolarité ! Oui à la gratuité !