Thomas Mulcair fera-t-il un bon chef pour le NPD? En le choisissant, le parti augmente-t-il ses chances de prendre le pouvoir aux prochaines élections? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Daniel Landry

Professeur de sociologie au Collège Laflèche, à Trois-Rivières.



DES PREUVES À FAIRE

Samedi, Thomas Mulcair est devenu le septième chef de l'histoire du Nouveau Parti démocratique à la suite d'une épuisante course de sept mois. Ce choix s'avérait évident pour deux raisons particulières. Parmi les candidats, Mulcair s'avérait le plus aguerri pour les débats en chambre. Également, il était le seul des sept capable de lutter efficacement contre la résurrection du Bloc québécois. Ajoutons une troisième raison. Mulcair représente un changement idéologique au NPD (certains le situant plus au centre). Cela le place donc en meilleure posture pour créer une éventuelle alliance ou coalition avec les libéraux fédéraux. Par contre, certaines de ses prises de position inquiètent les plus progressistes de son camp. À titre d'exemple, concernant le Moyen-Orient, d'aucuns qualifient Mulcair d'«ultra-sioniste» en raison de sa proximité avec les lobbies pro-israéliens et en raison de ses réussites passées à bâillonner toute critique d'Israël en provenance du NPD. Quoi qu'il en soit, dans les prochaines semaines, le NPD retrouvera son plein potentiel. N'oublions pas qu'il était handicapé par l'absence des Cullen, Nash, Dewar et Ashton dans des rôles stratégiques à la Chambre des communes. Le NPD saura alors (et enfin!) jouer un véritable rôle de groupe d'opposition officielle. En somme, Thomas Mulcair dispose maintenant d'un peu plus de trois ans devant lui pour prouver aux Canadiens qu'il possède l'étoffe d'une premier ministre. Mais aussi pour prouver qu'il demeure un véritable candidat de la gauche canadienne.

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale.



MOINS SOCIALISTE, PLUS CENTRISTE, PLUS RÉALISTE



Les prochaines élections fédérales auront lieu dans plus de trois ans. En politique, c'est l'équivalent de trois éternités. En choisissant Thomas Mulcair, les membres du NPD viennent de tourner la page sur le parti de Jack Layton. Ils ne l'ont pas déchirée mais ils entreprennent un autre chapitre de leur histoire. Les racines libérales de Thomas Mulcair auront sans doute une certaine influence sur la direction qu'il tentera d'imprimer à son parti. Ce dernier sera désormais moins socialiste, plus réaliste et surtout plus centriste.   Un leader politique bilingue en provenance du Québec a été une bonne recette pendant longtemps.   Mulcair aura-t-il l'étoffe d'un Trudeau, d'un Mulroney ou même d'un Chrétien ? Saura-t-il conserver des actifs néo-démocrates fragiles au Québec tout en faisant d'autres percées au Canada ? Son style abrasif sera sans doute une épine au pied de Stephen Harper, mais sera-t-il capable de transformer la culture d'opposition du NPD en culture de pouvoir ? L'élection de Mulcair est sans doute une plus mauvaise nouvelle pour le Parti libéral du Canada que pour le parti de Stephen Harper. Les libéraux fédéraux sont sortis du dernier scrutin en ambulance et leur convalescence est loin d'être terminée. À l'inverse de Thomas Mulcair et ironiquement, Bob Rae a des racines néo-démocrates alors qu'il est chef du PLC.  Le PLC a trois ans pour se renouveler et pour redevenir une alternative crédible aux conservateurs. Un défi d'autant plus grand que le NPD a désormais les moyens de lui faire de l'ombre.

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue.



L'HOMME DE LA SITUATION



Pour affronter les conservateurs et leurs politiques partisanes, il fallait un homme déterminé, qui ne craint ni la controverse ni le dénigrement. Un capitaine qui saura détourner les boulets que les conservateurs lanceront sur le navire NPD et qui résistera aux étiquettes réductrices. Ferme envers le gouvernement Harper, M. Mulcair devra se montrer conciliant et souple avec les autres députés du NPD et veiller à ce que les adversaires d'hier deviennent les alliés du présent et du futur. Il serait insupportable qu'une discorde au sein du NPD prive la population canadienne d'une opposition efficace au Parlement. Une fois l'unité du parti assurée, il conviendra que le chef du NPD convainque tous les citoyens que le NPD offre des solutions pragmatiques, non idéologiques, aux problèmes du Canada actuel et, par conséquent, mérite de gouverner le pays. Le programme du NPD promet ce que les conservateurs ne font pas : appuyer les PME et les travailleurs, développer des énergies vertes, réduire les émissions de GES, protéger les sources d'eau potable, encadrer la prorogation du Parlement, par exemple. Oui, avec Thomas Mulcair, probablement plus convaincant et résolu que les candidats écartés, le NPD pourra aspirer à composer le prochain gouvernement. Quel citoyen ne désire pas un gouvernement qui se préoccupe du bien commun?

Gaétan Frigon

Président exécutif de Publipage inc., ex-PDG de la SAQ et de Loto-Québec.



VIRAGE IMPORTANT DU NPD



Le NPD a toujours voulu être la conscience du Canada, un peu le protecteur des pauvres et des affligés. Ce faisant, il représentait la gauche minoritaire qui pouvait faire la morale aux autres partis. Mais il y avait un prix à payer : le NPD, dont les forces vives tirent leurs origines de l'Ouest du pays, ne pouvait pas prendre le pouvoir, étant marginalisé dans plusieurs régions, notamment le Québec. En choisissant Thomas Mulcair, le parti fait un virage important et prend le risque de devenir un parti comme les autres. Le message est simple : nous en avons assez d'être de façon permanente sur les bancs de l'opposition et nous voulons diriger le pays à notre tour. Et Thomas Mulcair a la carapace pour tenir tête à Stephen Harper en amenant le NPD vers le centre alors que les libéraux se cherchent encore. Mais pour gagner les prochaines élections, Mulcair devra tout d'abord réussir à conserver une bonne partie des appuis que Jack Layton avait réussi à gagner au Québec. La partie n'est pas gagnée mais n'est pas perdue non plus. Elle dépendra fort probablement du temps que le Parti libéral prendra pour se sortir du trou, d'autant plus que l'ère où Stephen Harper pouvait tout faire sans trop d'opposition est certes terminée.

PHOTO FOURNIE PAR GAÉTAN FRIGON

Gaétan Frigon.

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.



TOUS LES ATOUTS NÉCESSAIRES



On a dit beaucoup de choses sur Thomas Mulcair et ses détracteurs s'en sont donné à coeur joie durant la course à la direction du NPD. Cinq mois à endurer des propos malveillants et souventes fois non fondés, c'est long. Mais Thomas Mulcair avait décidé de ne pas s'embarquer dans cette spirale et choisissait de respecter ses adversaires et de s'attaquer aux idées. Ce dernier a été transparent tout au long de la course et les électeurs savaient à quoi s'attendre. Avec 58% des voix, M. Mulcair a maintenant le champ libre et les coudées franches pour bien gérer ce parti. Oui, M. Mulcair fera un bon chef. Son comportement sera guidé par ses responsabilités. M. Harper vient de trouver chaussure à son pied. Le NPD a fait élire 59 députés au Québec, ce qui représente plus de la moitié des députés néodémocrates qui siègent à la Chambres des communes.  C'est vrai qu'il y avait l'effet Layton. C'est aussi vrai que les Québécois cherchaient une alternative pour contrer Stephen Harper. Le Bloc québécois fut impuissant à démontrer qu'il était cette alternative. Les libéraux sont encore à panser leurs plaies causées par les chicanes de ménage incessantes. La tâche de Thomas Mulcair ne sera pas de tout repos, mais il possède le bagage nécessaire pour espérer prendre le pouvoir aux prochaines élections. Les trois prochaines années seront assurément captivantes.

Jean Gouin

Mélanie Dugré

Avocate.



TOUT EST POSSIBLE



Jack Layton avait à peine poussé son dernier soupir que les esprits s'animaient et les rumeurs montaient quant à sa succession. J'ai l'impression que cette course à la direction du NPD aura été interminable tellement elle s'est incrustée dans notre paysage médiatique pendant de longs mois.  La gestation fut longue et pénible, et parfois même ennuyeuse, mais l'accouchement s'est déroulé dans l'effervescence et l'allégresse avec le couronnement d'un personnage emblématique, au Québec du moins, de ce parti. Je crois que Thomas Mulcair mérite amplement cette victoire et qu'il récolte le fruit d'un labeur de longue haleine. Il a prouvé être un fin stratège et un homme patient, que les défis et les causes difficiles n'effraient pas. Il reste à savoir si son arrivée insufflera à son parti le vent de fraîcheur et d'espoir dont il a besoin pour espérer accéder au pouvoir. Malheureusement, Thomas Mulcair est victime du travail ordinaire et sans éclat, quoique honnête et rempli de bonnes intentions, qu'ont accompli les députés du NPD depuis les élections de 2011. Néanmoins, la meilleure arme du NPD en vue d'une prochaine élection reste le gouvernement actuel de Stephen Harper. Si ce dernier s'entête à gouverner à contre-courant de nos valeurs fondamentales, tout deviendra possible pour les partis d'opposition.

Mélanie Dugré

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques.



LE MEILLEUR CHOIX



Thomas Mulcair est probablement le meilleur choix que les néo-démocrates pouvaient faire. Non pas que les autres candidats n'avaient pas de valeur, mais Mulcair a plusieurs atouts que les autres n'ont pas. À commencer par le fait qu'il vienne de la province où se trouve la plus forte représentation de députés du parti. L'élection de Mulcair en tant que chef pourrait permettre de consolider les bases du parti au Québec et représenter un sérieux casse-tête pour le Bloc. Si les néo-démocrates veulent un jour aspirer à faire autre chose que d'occuper les banquettes à la gauche du président de la Chambre des communes, ils doivent nécessairement conserver leurs acquis au Québec et faire une percée en Ontario et dans les Maritimes. Mulcair est aussi parfaitement bilingue, ce qui est essentiel à la tête d'un parti fédéral. Il ne faut pas aussi négliger qu'il soit très charismatique. On verra maintenant si cela lui permettra de se hisser au-delà des sommets historiques que le parti a atteints avec Jack Layton. Quelle ironie tout de même de voir un ancien libéral à la tête des néo-démocrates et un ancien néo-démocrate à la tête des libéraux...

Denis Boucher

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



UN HOMME DE CONVICTIONS



S'il y a une seule personne qui puisse faire plier Stephen Harper, c'est bien Thomas Mulcair. Quant aux partisans de Brian Topp, je ne suis pas inquiet. Mulcair saura les rallier à sa cause. Bien entouré et politicien d'expérience, M. Mulcair sera en mesure aussi d'aller chercher les électeurs du ROC. Étant un homme de convictions, le nouveau chef du NPD pourrait, selon moi, devenir le prochain premier ministre du Canada. Il semble que Thomas Mulcair veuille recentrer le NPD. Or je ne crois pas que ce soit là une mauvaise option car ce déplacement vers la droite permettra à M Mulcair d'aller chercher un certain nombre d'électeurs traditionnellement fidèles aux libéraux et aux conservateurs lors du prochain scrutin. Je n'oublierai jamais lorsque Thomas Mulcair a tenu tête à Jean Charest tout en remettant en jeu sa carrière politique au provincial. Mulcair est un homme de convictions qui saura mener le NPD à de nouveaux niveaux. Grace à l'expérience acquise auprès du regretté Jack Layton, M. Mulcair connait bien les rouages de la politique fédéral et ne pourra que nous en faire bénéficier d'un océan à l'autre.