J'en suis à ma quatrième année à l'UQAM. Le programme dans lequel j'étudie est normalement complété en trois ans. Toutefois, il m'a pris plusieurs sessions pour comprendre comment me comporter pour réussir; comment faire le pont entre une cégépienne et une universitaire, entre une ado et une adulte.

J'ai débuté mon parcours à l'UQAM en septembre 2008. Quelques semaines plus tard, une grève générale illimitée était majoritairement votée pour la session d'hiver suivante. À cette époque, j'avais voté en faveur de la grève. J'avais fièrement élevé ma main. J'avais solennellement suivi l'engouement des levées de cours. En 2008, je ne savais pas pour quoi je votais. J'étais inconsciente des enjeux, et surtout, des répercussions. La solidarité des élèves m'impressionnait. Je me sentais concernée, et c'est ce qui importait. J'avais l'impression d'être admise dans une gang solide, dans un groupe qui se tient par les coudes. J'étais dans La société des poètes disparus, à ma manière, debout sur un bureau à assumer des principes. J'ai marché à pieds fermes sur le boulevard René-Lévesque, un sifflet à la bouche, pour me donner le sentiment de me faire entendre. Les sessions qui ont suivi m'ont donné la chance de me prendre en main. J'ai évolué en tant que personne, mais en particulier en tant qu'étudiante. J'ai laissé de côté le caractère insouciant de ma démarche académique pour apprécier et emmagasiner le précieux enseignement qu'on me livrait. J'ai finalement compris que mon job actuel, c'est d'étudier. Lundi dernier, une assemblée générale avait lieu. Redondance d'événements, mais différence d'état d'âme. Je me suis sentie enfermée dans un mouvement massif plus grand que moi. Si près du but, du papier de bachelière, on me freine. On stoppe, ou plutôt, on ralentit mon éducation au profit de 160 billets bruns à débourser sur cinq ans. Il est dit que les gens qui ne votent pas ne peuvent parler de politique, ne peuvent exprimer leurs opinions. Cette fois, j'allais être prête. J'arrivais informée. Au fil de mes recherches, j'ai réalisé qu'un piquetage était simplet, qu'une manifestation de quelques minimes kilomètres était dérisoire. J'ai compris que ce que nous, étudiants, appelons «le gouvernement», savait jouer. C'est une partie de poker où la mise de départ surpasse le poids d'une dizaine de milliers de militants. Disons que le gouvernement nous demandait ultimement une augmentation d'une somme de 100 dollars. Le gouvernement sait pertinemment qu'il y aura contestation, qu'il y aura demande de négociation. Après un nombre incertain de levées de cours et de groupes criards devant les gratte-ciels des dirigeants, le gouvernement nous laissera croire qu'il s'ajuste en réduisant le montant à 75 dollars. Les militants universitaires, porteurs de petits carrés en feutre rouge, se calmeront, se sentiront enfin écoutés. J'imagine «le gouvernement» rire dans sa barbe, puisque fondamentalement, c'est précisément ce montant qu'il visait. Il n'est pas dupe, ce gouvernement, car s'il nous avait demandé 75 dollars au départ, nous aurions fait la requête de baisser à 50. En 2011, j'ai voté contre la grève. J'ai fièrement élevé ma main au nom du non, parce que partout ailleurs, c'est plus cher. Aux États-Unis, l'éducation est inaccessible. Pas ici. Plus près de nous, au Canada, nous sommes la province qui offre l'enseignement universitaire à prix modique. J'ai solennellement enfreint l'engouement des levées de cours, car à mon sens, si ces habillés du carré en feutre rouge se concentraient sur leurs études, sur leur avenir, ils pourraient un jour être politicien, et ultimement faire une différence. Je ne peux quand même pas m'empêcher de penser au revers de la médaille et de me dire qu'à 22 ans, siégeant dans ce qui est décrit comme l'élite de la société, dans le 18% des Québécois qui acquièrent leur diplôme universitaire, je devrai bientôt commencer à mettre de l'argent de côté, en prévision de mes futurs enfants qui voudront peut-être aussi «bitcher» contre le gouvernement» lorsqu'ils seront à l'université.