Ce 14 novembre, François Legault a lancé un nouveau parti politique, la Coalition avenir Québec, qui propose de régler les problèmes urgents du Québec (la dette publique, le décrochage scolaire, l'engorgement du système de santé, etc.), en mettant de côté la souveraineté pour 10 ans au moins.    

M. Legault n'est pas le premier à tenter de restructurer le paysage politique de cette manière. Pendant la Grande Crise et la Révolution tranquille, d'autres hommes politiques ont créé des coalitions pour faire face aux défis de leurs époques respectives.

Les années 1930 voient la fin de l'hégémonie du Parti libéral, en place depuis 1897. Celui-ci éclate à la suite du départ de son aile gauche et nationaliste, insatisfaite du laisser-faire et de «l'aplaventrisme» de leur parti face aux capitalistes étrangers. Elle crée alors l'Action libérale nationale.

Maurice Duplessis en profite pour saborder le Parti conservateur et fonder l'Union nationale, coalition à saveur nationaliste des «bleus» et des membres de l'ALN déçus de l'inaction de leur leader Paul Gouin. Le succès électoral de l'UN en 1936 résulte largement de la recherche par l'électorat d'un chef providentiel qui promet de faire le ménage dans le monde politique et de dompter les «trusts». Ce populisme rhétorique déçoit rapidement les véritables réformistes qui avaient adhéré à la coalition, mais permet à l'UN de passer 19 des 24 années suivantes au pouvoir.

Les grands changements des années 1960, connus sous le nom de Révolution tranquille, sont accompagnés d'une crise identitaire qui touche les Canadiens français habitant au Québec, qui se définissent désormais comme Québécois. La question linguistique et celle de leur infériorité économique amènent la naissance de partis indépendantistes.

En 1967-68, le Parti libéral du Québec éclate avec le départ de son aile nationaliste, dont le leader René Lévesque crée une coalition regroupant tous les partisans de l'indépendance, qu'ils soient de droite (le Ralliement national) ou de gauche (membres du Rassemblement pour l'Indépendance nationale). Cette alliance s'empare du pouvoir à la faveur de la stagflation des années 1974-1978 et poursuit les réformes, mais échoue à convaincre les citoyens du Québec de la nécessité ou de la viabilité de la souveraineté à deux reprises (référendums de 1980 et de 1995).

L'échec de la stratégie étapiste (prendre le pouvoir d'abord, puis demander aux citoyens de voter pour l'indépendance dans un référendum) provoque graduellement la désaffection de plusieurs militants souverainistes et l'éclatement de la coalition (création de Québec solidaire en 2006), en plus de rendre la tâche des chefs du Parti québécois virtuellement impossible (démissions de Lucien Bouchard en 2001, Bernard Landry en 2005 et André Boisclair en 2007).

François Legault, jadis souverainiste pressé, fait partie de ceux qui ont cessé de croire à la possibilité de réaliser la souveraineté, dans un avenir proche du moins. Ayant quitté le Parti québécois en 2009, il travaille depuis 2010 à la mise sur pied de sa coalition. Celle-ci est fondée sur un noyau de souverainistes fatigués et ratisse plutôt à droite en recherchant une fusion avec l'Action démocratique du Québec (ou le sabordage de celle-ci), mais elle pige même chez les libéraux.

Son leader cherche à incarner ce changement auquel les Québécois semblent aspirer, particulièrement depuis les élections provinciales de 2007 (percée de l'ADQ), la crise économique et financière de 2008 et la vague orange des dernières élections fédérales (2011).

La longue agonie de la coalition péquiste et le désenchantement des citoyens face à la chose publique semblent ouvrir la porte à la CAQ, dont l'élection amènerait la fin du système électoral issu de la Révolution tranquille. Il reste à savoir si ce changement s'accompagnerait de transformations significatives ou seulement cosmétiques de la vie politique et de l'action gouvernementale.