On peut saluer le nouveau saut en politique de François Legault et la formation de son nouveau parti. C'est toujours intéressant de voir naître quelque chose qui a de l'ambition. Gardons tout de même le sens critique.





On peut saluer le nouveau saut en politique de François Legault et la formation de son nouveau parti. C'est toujours intéressant de voir naître quelque chose qui a de l'ambition. Gardons tout de même le sens critique.

«Le Québec est immobile! Les Québécois ont besoin de s'épanouir et de se réaliser! Le Québec a besoin de leadership et de compétences! La situation du Québec est sérieuse et le cynisme n'a plus sa place.» Voilà, en résumé, et dans leurs propres mots, l'analyse noire et malheureusement simpliste de la situation actuelle du Québec que Charles Sirois et François Legault ont servie aux Québécois à l'occasion du lancement de leur nouveau parti politique.

Bien sûr, tout ne va pas bien au Québec. Mais franchement, il y a peu d'endroits sur la planète où il y autant de libertés, de démocratie, d'accès à l'éducation, de réussites entrepreneuriales et individuelles dans tous les domaines et surtout de redistribution de richesses. Le reconnaître est un signe d'honnêteté. Travestir à ce point la réalité pour prétendre incarner le changement tient plus de la partisannerie dont on croyait pourtant qu'il s'agissait là de l'apanage des «vieux partis».

Évidemment, la solution à cet état de délabrement du Québec décrit par le chef de la Coalition avenir Québec tient essentiellement dans son arrivée miraculeuse sur la scène politique. Toutefois, Charles Sirois et François Legault ne se présentent pourtant pas comme des hommes politiques. Ces derniers sont trop discrédités à leurs yeux. Le tandem Legault-Sirois se positionne plutôt comme deux entrepreneurs! Il y a sans doute là une nuance importante. M. Legault ne se réfère plus à son propre passé politique, mais uniquement à l'exemple de son succès en affaires.

D'autres dirigeants ailleurs dans le monde ont déjà tenté d'appliquer à la gouverne d'un État des recettes simples, dérivées de principes de gestion d'une entreprise qui les avait rendus millionnaires. Ils ont vite déchanté.

Dans un Québec sous sa gouverne, le miracle annoncé par François Legault tiendrait dans la présentation de 20 actions qui vont de l'abolition des commissions scolaires à celle des agences de santé et des services sociaux, jusqu'à la proposition d'une vague stratégie de développement économique des régions et de la métropole. Prétendre que ces actions, déjà entendues, vont radicalement changer le cours du Québec et nous entraîner dans une ère de prospérité qui rendra tout le monde plus riche, demeure une promesse ambitieuse et surtout, peu convaincante. Il faudra qu'on s'applique à préciser ces actions et à les inscrire dans une vision réaliste pour l'instant absente.

On a le droit de sourciller un peu en mesurant le François Legault d'hier à celui d'aujourd'hui. Il y a à peine 6 ans, en 2005, François Legault nous présentait en grande pompe le budget d'un Québec souverain dans lequel il affirmait qu'il était urgent de sortir du carcan canadien le plus rapidement possible. C'était alors pour lui la seule façon de régler tous nos problèmes. Il était entré en politique pour cela. Six ans plus tard, l'homme a complètement changé sa position. Il n'est même plus question pour lui d'évoquer ce scénario.

Que dira-t-il aux Québécois s'il ne réussit pas à régler un problème avec le gouvernement fédéral? Qu'il laissera cette question à ses petits-enfants parce qu'il a décrété un moratoire sur le sujet! C'est une approche périlleuse.

M. Legault veut faire décoller le Québec comme un avion d'Air Transat. Très bien! Il serait toutefois prudent d'attacher nos ceintures en vue de quelques turbulences. On souhaite que les prochains mois lui servent à nous dire où il veut faire atterrir l'appareil. Il serait également sage d'envisager le fait que le fonctionnement du Québec, celui d'un État démocratique à multiples facettes, est autrement plus compliqué qu'un avion ou une entreprise.

Le Québec est une entité complexe dont les rouages et l'histoire n'ont jamais dépendu d'un seul homme, ni même de deux, fussent-ils Charles Sirois et François Legault. Mais l'avion vient seulement de décoller. Laissons la chance au pilote.