L'auteur est chercheur associé au Laboratoire de recherche informatique en optimisation combinatoire de l'Université Concordia. Il a campé à Occupons Montréal et participe régulièrement à son comité de philosophie politique.

Je suis fâché de l'action policière de la nuit de lundi à mardi à l'encontre d'Occupy Wall Street. Si j'étais prompt à la colère, je serais en colère. Cette action initiée par le maire Bloomberg ne met pas fin au mouvement Occupy, mais elle jette un froid sur les relations entre la population et la classe politique.

Au fil des discussions, les gens du mouvement Occupons Montréal sur place arrivent à s'entendre sur ce qui les indigne, mais ils ont des idées très différentes sur les solutions à apporter. Il faut être patient, écouter les autres et endurer les attaques venant de chroniqueurs obtus, mais des gens de tous horizons sont là et s'imposent cette discipline. Pourquoi? Parce qu'il n'existe pas à Montréal d'autre endroit public où les échanges sont soutenus par les idées d'inclusion, d'égalité et de non-violence.

Les critiques du mouvement sont pauvres en qualité. Elles tournent autour des idées d'impact médiatique, de sécurité publique et de sécurité idéologique. Aucun détracteur n'a proposé d'action alternative à l'occupation. Si le campement était levé demain matin, où se ferait le brassage d'idées que la population demande? Les partis politiques, la presse, les universités, les organismes à but non lucratif dépendent tous de leurs commanditaires. Comment régler la crise financière avec des gens qui ne veulent pas réfléchir à leur propre mode de financement? Je n'ai pas attendu Occupons Montréal pour commencer à réfléchir, mais maintenant je sais où aller pour dialoguer et tester mes idées. Je pourrais me passer des journaux et de la télévision, mais j'ai besoin de cet espace public rempli de gens présents et bienveillants.

L'occupation de Montréal ne semble pas en danger immédiat d'être dispersée. Notre maire n'a pas mis son honneur en jeu comme l'a fait Régis Labeaume. M. Tremblay est donc moins susceptible de considérer la poursuite de l'occupation comme un affront personnel. Les occupants sont respectueux envers les pompiers qui inspectent régulièrement le campement. Ils font preuve d'imagination pour régler les problèmes pratiques qu'ils rencontrent. Ils entretiennent de bonnes relations avec les policiers qui surveillent les marches du samedi. De nombreux travailleurs des bureaux avoisinants prononcent des mots d'encouragement et les curieux qui parlent avec les occupants et les sympathisants constatent que les médias ne rendent pas justice à la réalité.

En se concentrant sur ce qui peut tourner mal, les chroniqueurs et les éditorialistes font preuve d'ignorance. J'invite mes concitoyens à refuser la marginalisation du mouvement dans les médias. L'occupation aura une fin, sans doute, mais tant qu'elle dure, elle rend un énorme service à la population.