De toute part, les colonnes du temple de l'Europe s'ébranlent. Au rythme où vont les choses, même les pays qui, hier encore, semblaient les plus solides de la zone euro sont victimes de la contagion. Sans nouvelles mesures concertées, décisives et convaincantes, la zone euro pourrait frapper un mur et le reste du monde à sa suite.

Les marchés financiers ont réagi très fortement à l'incertitude dès mercredi dernier sur les marchés obligataires européens en exigeant de l'Espagne et même des Pays-Bas et de la France des taux spectaculaires comportant des primes de risque sans précédent; des primes qui reflètent la perte de confiance envers la capacité des dirigeants européens à s'entendre sur une solution durable à la crise et à éviter une autre récession.

L'écart entre les taux exigés pour les obligations à long terme de ces pays et ceux de l'Allemagne a atteint au surplus des niveaux records, jusqu'à 5 points de base pour l'Espagne et plus de 2 points pour la France, reconnaissant implicitement qu'il ne reste plus que l'Allemagne qui évite encore la contagion. Mais cela pourrait changer, et rapidement, si l'on en croit la vitesse avec laquelle les événements des derniers jours sont survenus. Car il s'en trouve plusieurs pour sonner l'alarme et rappeler le niveau important de la dette allemande, dont une portion importante risque, à très court terme, de devenir problématique.

Comme c'est le cas pour la France qui dispose de plus de 330 milliards d'euros de titres de dette publique des cinq pays les plus écorchés de la zone, l'Allemagne doit aussi composer avec plus de 200 milliards de ces titres, dont une part majeure est aux mains des banques et des caisses de retraite; des titres de pays de plus en plus insolvables et qui pourraient bientôt manquer de liquidités. Dans de telles circonstances, en plus de subir le séisme de la situation générale, les coûteuses et déstabilisantes opérations de sauvetage nationales des banques que nous avons connues sur tous les continents lors de la dernière récession pourraient très certainement se reproduire à l'échelle de l'Allemagne.

L'Allemagne ne pourra donc encore longtemps résister seule à la tempête qui s'abat sur l'Europe et qui continuera de précipiter la zone euro et l'euro lui-même vers un gouffre. La contagion l'atteindra et pourrait se répandre rapidement vers l'ensemble de la planète.

De l'avis de la majorité des analystes, il reste un dernier rempart à court terme pour éviter la catastrophe et c'est celui de faire de la Banque centrale européenne (BCE) une véritable banque prêteuse de dernier recours pour les gouvernements. La BCE pourrait racheter massivement et rapidement des titres de dette des pays européens, à taux raisonnables, pour pallier leur manque de liquidités. Une idée partagée par les États-Unis ainsi que par le Japon et la Chine, les deux principaux créanciers extérieurs de l'Europe. Mais jusqu'à présent, cette idée de modifier la charte de la BCE pour lui donner ce nouveau rôle se bute au refus systématique et obstiné de la chancelière allemande.

La nouvelle «dame de fer» de l'Europe pourrait être jugée très sévèrement par l'histoire, chez elle d'abord, pour ne pas avoir su reconnaître l'état d'urgence, et dans le monde, si la débandade planétaire devait survenir.

«Ich bin ein Berliner» (nous sommes tous Berlinois), a dit le président américain, en juin 1963, au nom de l'universel et par solidarité pour ceux et celles privés de liberté derrière le mur de Berlin. La chancelière devrait se le rappeler et reconnaître que devant les perspectives européennes et mondiales qui s'annoncent, nous sommes tous Européens, elle la première!