Les négociations de libre-échange de l'Asie-Pacifique bouleverseront les politiques agricoles au Canada.

Une simple balade avec le président des États-Unis a suffi pour réanimer un débat qui dérange le monde agricole québécois et ontarien.

À l'instar du projet controversé Keystone XL, qui prévoit la construction d'un pipeline pétrolier entre l'Alberta et le Texas, le premier ministre Harper souhaite maintenant participer aux négociations sur la création d'une zone de libre-échange dans la région Asie-Pacifique. C'est ce qu'il a annoncé la semaine dernière à Barack Obama tout en faisant l'aveu que le Canada était trop dépendant économiquement des États-Unis.

Évidemment, de telles négociations avec le marché important de l'Asie-Pacifique nous exposeront à nouveau à de sévères critiques liées à notre système protectionniste de la gestion de l'offre, pourfendu partout dans le monde. Se faire montrer du doigt n'est jamais souhaitable, mais dans le cas de la gestion de l'offre, c'est peut-être ce que souhaite M. Harper.

Certes, la plateforme conservatrice en matière de commerce international est d'une importance capitale pour M. Harper. Depuis 2006, avec l'arrivée des conservateurs à Ottawa, le Canada a conclu plusieurs ententes bilatérales avec une panoplie de pays, y compris la Colombie et le Pérou. Le Canada s'attaque à des marchés plus importants en négociant présentement avec plus d'une dizaine de partenaires importants tels que l'Inde, la Corée et la Turquie. De surcroît, les négociations avec la Communauté européenne sont à un point délicat, celui de négocier les échanges en matière agricole.

Jusqu'à maintenant, le gouvernement fédéral canadien a pu défendre les vertus de son système protectionniste de la gestion de l'offre avec habileté. Par contre, en participant aux négociations de la zone de libre-échange dans la région Asie-Pacifique, les choses risquent de se compliquer davantage. Quelques filières, notamment laitière et avicole, sont soumises au système de gestion de l'offre par laquelle des quotas de production sont émis. Certains craignent d'assister à une remise en question de notre système, par une diminution des tarifs douaniers appliqués aux importations de produits laitiers, par exemple.

Ce sont des choix nécessairement difficiles qui se conjugueraient bien avec les idéaux conservateurs du libre-échange. Le gouvernement Harper a déjà démontré qu'il est en mesure de prendre des décisions contestées en matière de politiques agricoles.

Avec le projet de loi C-18 à Ottawa, le gouvernement canadien entend démanteler le modèle de guichet unique maintenu par la Commission canadienne du blé. Mais politiquement, la gestion de l'offre est un sujet plus complexe, pour une simple et bonne raison: les consommateurs canadiens ne mangent pas de l'orge ou du blé, mais ils achètent du lait, des oeufs et de la volaille pratiquement chaque semaine. Et puisque les consommateurs font implicitement confiance aux agriculteurs, le premier ministre Harper est voué à perdre un débat domestique sur l'avenir de la gestion de l'offre. Le gouvernement fédéral reconnaît plus que jamais qu'une réforme de la gestion de l'offre passe par l'influence de nouveaux partenaires sur la scène internationale.

Bref, l'agriculture canadienne est à la croisée des chemins. Non seulement nos politiques agroalimentaires empêchent l'agriculture canadienne de se développer davantage, mais elles influent sur d'autres secteurs non agricoles qui tentent de développer de nouveaux marchés.

En considérant de nouveaux marchés, il faudra faire des compromis, ça va de soi. Avec une économie américaine chancelante, le Canada n'a plus les moyens d'être à la remorque d'une superpuissance économique qui perd tranquillement son allure et qui bat de l'aile.

Nos politiques agricoles actuelles ont été adoptées durant une époque où le contexte mondial était fort différent. La gestion de l'offre a bien servi notre économie agricole depuis plusieurs années, mais il est maintenant temps de passer à quelque chose de différent.