Une société juste et responsable peut à la fois défendre les enfants responsables de crimes graves et leurs victimes.

Le 20 novembre avait lieu la journée internationale des droits de l'enfant. Hautement symbolique, cette date marque l'anniversaire de l'adoption de la Convention relative aux droits de l'enfant par l'Assemblée générale des Nations unies. Ratifiée par l'ensemble des pays, à l'exception des États-Unis et de la Somalie, cette convention marque un important tournant dans l'Histoire puisqu'elle attribue à l'enfant l'ensemble des droits dont bénéficient les autres citoyens, tout en lui reconnaissant le besoin d'une protection spécifique.

Si l'immaturité de l'enfant ne saurait aujourd'hui justifier la négation de ses droits, elle impose aux décideurs l'obligation d'établir des cadres juridiques adaptés à sa situation particulière.

Quelques mois après avoir adhéré aux grands principes énoncés dans la Convention relative aux droits de l'enfant, le Canada s'est formellement engagé, le 13 décembre 1991, à en respecter la lettre et l'esprit. Nous célébrerons donc, dans quelques semaines, le 20e anniversaire de la ratification par le Canada de cette importante convention.

Triste ironie, le gouvernement Harper adoptera sous peu le projet de loi C-10 modifiant notamment les dispositions relatives aux jeunes contrevenants. Nul besoin de répéter ici ce que tous savent déjà : les nouvelles règles assujettiront les jeunes contrevenants ayant commis un crime grave à certaines mesures destinées aux criminels adultes. Rien ne sert d'aller au-delà de cet énoncé pour en critiquer le bien-fondé.

Un consensus mondial existe : un enfant reste un enfant jusqu'à 18 ans. Et jusqu'à cet âge, on refuse de l'aborder à la lumière des règles qui régissent les adultes parce qu'on le juge immature, parce qu'il est par définition en processus de développement, parce qu'on se croit socialement responsable d'assurer sa réhabilitation et son intégration dans la communauté des adultes. Que le crime commis par l'enfant soit grave et crapuleux ne change rien à ce principe.

Certes, il n'est pas très populaire de défendre la perspective d'un mineur qui aura commis l'irréparable, laissant derrière lui des victimes qui ne pourront bénéficier de la deuxième chance qu'on s'apprête à lui donner. Mais c'est précisément dans l'adversité que l'on peut juger du réel engagement d'un pays envers les droits de l'enfant et de la profondeur de ses convictions.

Si l'on est contre la peine de mort, on l'est jusqu'au bout, y compris à l'égard des meurtriers en série. Si l'on est contre la torture, on l'est jusqu'au bout, y compris à l'égard des terroristes. Si l'on est contre l'application aux mineurs de mesures destinées aux adultes, on l'est jusqu'au bout, y compris à l'égard des enfants qui auront commis des crimes graves.

Malheureusement, la joute politique actuelle nous entraine dans un faux débat où l'on cherche à contrebalancer les droits de l'enfant en fonction des droits des victimes. Il s'agit pourtant d'enjeux distincts qui ne doivent pas être opposés. Une société juste et responsable peut à la fois défendre les enfants responsables de crimes graves et leurs victimes.

En misant sur la sympathie que suscite naturellement le triste sort des victimes d'actes criminels, Stephen Harper fait preuve d'un machiavélisme inégalé. Le projet de loi C-10 ne fait avancer personne, ni les victimes, ni les enfants, ni le Canada. Il s'agit d'un recul qui ternira une fois de plus la réputation d'un pays autrefois reconnu pour son leadership en matière de droits humains.