Pour le Québec, il n'y a probablement pas de pire moment pour investir des fonds publics dans le secteur minier.

À entendre certains de nos compatriotes, on croirait que ce n'est pas de minerai de fer générique dont est assoiffée la planète, mais plutôt de minerai de fer estampillé du fleurdelisé. La vérité, c'est que même si le Québec exporte de plus en plus de métaux, il continue d'évoluer dans l'ombre des véritables puissances minières de la planète.

En d'autres termes, dans ce domaine comme dans tant d'autres, nous n'avons d'autre choix que celui d'être compétitifs. Il ne peut donc y avoir de discussion rationnelle sur la taxation du secteur minier qui ne tienne compte de ses coûts. Cela devrait clore le débat entre ceux qui veulent taxer la valeur plutôt que les bénéfices. Ce sont les bénéfices qu'il faut taxer et il faut le faire à un taux compétitif.

Pour ceux qui aiment citer le cas de l'Australie, il faut savoir que c'est à un taux de 30% que le gouvernement s'apprête à y taxer les profits du secteur minier dépassant un certain seuil. Selon une étude récente de Price Waterhouse Cooper, les gouvernements provincial et fédéral prélèveraient déjà plus de 40% des profits miniers au Québec. Il n'est sans doute guère possible d'en faire beaucoup plus.

Dans sa sortie récente contre certains éléments du Plan Nord, l'ancien premier ministre du Québec, M. Jacques Parizeau, s'est bien gardé de critiquer le taux actuel des redevances. Il s'en est plutôt pris aux investissements publics que l'on s'apprêterait à effectuer au seul bénéfice des entreprises minières.

L'ancien premier ministre a donc relancé le débat dans une tout autre direction que celle qu'elle avait prise jusqu'alors. Cette direction est celle de la place du secteur public dans l'exploitation des mines. Pour ceux qui abordent la question sous un angle pragmatique, la réponse est claire. Le secteur privé dépassant de loin le secteur public dans sa capacité de générer des bénéfices, les Québécois gagneront davantage à taxer de manière compétitive les bénéfices privés plutôt qu'à attendre le dividende d'une entreprise publique soumise à toutes les pressions politiques.

Certains Québécois sont néanmoins allergiques à cette vision pragmatique et préfèrent encore se laisser séduire par la vision nationaliste traditionnelle qui appelle une présence bien sentie de l'État. Il y a pourtant là de très grands risques à prendre.

Quiconque a un tant soit peu étudié la question sait que le prix des ressources naturelles peut connaître des fluctuations extrêmes au fil du temps. Les cours actuels des métaux exportés par le Québec se situent tout près d'un sommet historique. Si on peut être raisonnablement optimistes quant à l'évolution des prix à long terme, il n'en va pas de même à court terme. Les États-Unis font du surplace, l'Europe entre en dépression et même la Chine montre les signes inquiétants d'un possible atterrissage brutal. La probabilité d'une correction sévère est donc actuellement extrêmement élevée. Le Québec doit sortir de sa bulle. Il n'y a probablement pas de pire moment pour investir des fonds publics dans le secteur minier.

Cela devrait faire réfléchir autant le premier ministre actuel que ceux qui aspirent à le remplacer. M. Charest a donc le devoir de préciser ses intentions réelles en matière d'investissement public dans le Grand Nord. Quant à François Legault, qui pourrait gagner les prochaines élections, il serait souhaitable qu'il mette un bémol à son projet d'une Caisse de dépôt et placement investissant des milliards dans les mines du Québec pour s'en tenir à sa proposition sans doute la plus originale, soit celle de consacrer 100% des redevances minières au remboursement de l'immense dette des Québécois.